Carl Devos

Modèle PS contre modèle N-VA: les belles heures du duel simpliste

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Le fait que le gouvernement Michel soit accueilli de manière tout à fait différente en Flandre et en Belgique francophone n’est pas étonnant. Même si le choc de cette politique de centre-droit à tendance droite est une pilule amère pour de nombreux Flamands également, le nord du pays a du mal à comprendre certaines réactions du sud.

En effet, le PS a réussi à perturber la fête d’investiture de Charles Michel, mais l’intention était tellement claire – atteindre le MR via la N-VA – qu’en Flandre, même les opposants au nouveau gouvernement n’ont pas applaudi des deux mains. Le PS a par trop manqué de nuance, d’honnêteté intellectuelle et de cohérence. Si ce style de débat se répand aussi parmi les citoyens, la démocratie n’en sortira pas gagnante. D’ailleurs, comment concilier ce mécontentement soudain avec le fait qu’il y a des années, le PS n’a pas hésité à conclure des accords avec la Volksunie, même lorsque certains de ses membres traînaient encore un très lourd passé collaborationniste ? Et après les élections de 2010, le PS n’a-t-il pas essayé, pendant plus d’un an, de former un gouvernement avec cette N-VA tant honnie ?

Les déclarations de Theo Francken sur la plus-value de la migration étaient une tout autre affaire, les questions qu’elle suscite sont très pertinentes et l’inquiétude est justifiée. Mais le fait que Laurette Onkelinx y entende le « bruit des bottes » était insultant, tant pour les victimes du nazisme que pour les nombreux électeurs de la N-VA. Ceux-ci, autrement dit, auraient tellement peu de moralité qu’ils auraient envoyé des sympathisants nazis, homophobes et racistes, les représenter au Parlement. Imaginez qu’un opposant voie dans un gouvernement formé avec le PS la main de Cosa nostra sous prétexte que, dans le passé, quelques camarades ont été condamnés pour des faits de corruption. Un tel reproche ne mérite que le goudron et les plumes.

Bien que son analyse fût aussi partagée en Flandre, c’est surtout le PS qui a tenté de « moraliser » cette critique du gouvernement Michel : pour le Parti socialiste francophone, il s’agit bien plus que d’une discussion classique entre la gauche et la droite, davantage que d’une opposition socialiste à un gouvernement ultralibéral. Il s’agit des valeurs fondamentales de la démocratie. Aussi, le PS a tenté de susciter l’aversion à l’encontre du nouveau gouvernement chez ceux qui ne sont pas directement disposés à suivre les socialistes dans leur discours socio-économique classique ou même chez ceux qui ont tendance à accorder l’avantage du doute à la « politique de réparation » de l’équipe Michel.

Or, le gouvernement fédéral affiche un programme de centre-droit tellement prononcé que la gauche ou d’autres opposants n’ont pas besoin d’arguments supplémentaires pour mener le débat. Cela ne vaut pas seulement pour la moralisation, mais aussi pour la communautarisation du combat. Le PS a essayé d’éviter ce dernier aspect, mais la tentation est grande. Ce n’est pas pour rien que Michel Ier est présenté comme un gouvernement MR-N-VA. De même que, pour la N-VA, le gouvernement Di Rupo était un gouvernement d’imposition socialiste francophone. La semaine dernière, les assaillants du QG du MR portaient un panneau : « MR, le traître des francophones ». Il ne faut donc pas grand-chose pour rouvrir la lutte contre « l’Etat belgo-flamand » d’André Renard. Le signe précurseur de la réforme de l’Etat historique de 1970.

La combinaison de la moralisation et de la communautarisation de la lutte contre le gouvernement Michel génère un mélange dangereux. C’est ainsi que dans le sud du pays, le gouvernement MR-N-VA acquiert l’image d’une équipe d’ultradroite dominée par la Flandre conservatrice. Dès lors, ceux qui, au nord, ne sont pas encore convaincus par la dichotomie simpliste entre un modèle N-VA et un modèle PS n’ont pas besoin de beaucoup d’arguments supplémentaires pour admettre cette schématisation délicate et sans nuance du débat politique.

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