Kerknawi Lawrence et Theys Alexandre

Migrants : l’avenir est à notre porte, ouvrons-là !

Kerknawi Lawrence et Theys Alexandre étudiants politiquement et socialement engagés, à l’idéologie résolument libérale

Les réunions extraordinaires du Conseil Européen se suivent et se ressemblent… lorsqu’il s’agit de discuter des pressions migratoires en Méditerranée. À chaque cérémonie, c’est la même chose : des « mesures concrètes pour prévenir de nouvelles pertes humaines » sont prévues et pourtant le bilan s’alourdit de jour en jour.

Ce flux migratoire que nos pays européens connaissent actuellement n’est pas nouveau : depuis la nuit des temps, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques, en temps de guerre ou de paix, la question de la survie de l’humain a toujours existé.

Depuis quelques semaines, un seul sujet fait quotidiennement la une des journaux : l’arrivée de nouveaux migrants et de demandeurs d’asile en Europe. Cette obsession médiatique engendre une angoisse tout en diabolisant ces femmes et ces hommes venus par milliers trouver l’exil en Europe. Cette crainte a ainsi obligé la classe politique à se positionner sur le sujet.

Quelques jours après la déclaration du Premier ministre quant à une envisageable adaptation de l’Accord Schengen, Bart De Wever (NVA) dénonçait indûment la préférence accordée aux réfugiés concernant les avantages sociaux alloués et proposait de leur créer un statut social spécifique. Cette déclaration suscita de nombreuses réponses, tant du milieu associatif que politique. Et aujourd’hui, nous assistons avec impuissance à la façon dont les leaders de notre pays mènent le débat au moyen d’arguments intellectuellement malhonnêtes.

Lorsqu’un vice-premier ministre (MR) assure ne pas se sentir à l’aise dans certains quartiers bruxellois à cause de la composition de leur population ou lorsqu’un ancien ministre des affaires intérieures (Open-VLD) voudrait imposer un service communautaire aux réfugiés et immigrants, nous avons mal, en tant que libéraux engagés, à voir le terme de libéralisme associé à ce genre de propos. Non ! le libéralisme ce n’est pas ces idées-là. Ce n’est pas une idéologie prônant le désordre économique et social ni ne désirant voir se battre dans un duel sans merci les Hommes entre eux. Ce n’est rien de tout cela, bien au contraire.

Pour paraphraser Jean-Paul Sartre, le libéralisme est un humanisme.

Le libéralisme, en visant à garantir les libertés individuelles de chacun, place l’humain, sans aucune discrimination, au centre de ses préoccupations premières. Il ne désire pas devenir une force déifiée façonnant l’homme à son image, mais propose l’acceptation d’autrui et, grâce à ses différences, lui offre l’égalité des chances.

Qui sommes-nous si ce n’est des hommes et des femmes nés au sein des frontières européennes nous protégeant et garantissant les droits les plus essentiels à notre épanouissement personnel ? Qui sommes-nous donc pour empêcher un autre individu — né au sein d’autres frontières qui, elles, ne garantissent pas ces mêmes droits — de traverser mers et déserts pour poursuivre leur bonheur et leur rêve ?

Oui, le libéralisme est humaniste, et ce n’est pas uniquement pour cette raison qu’il nous est nécessaire de revoir notre analyse sur l’immigration. Les faits sont clairs et nets : elle offre, également, de nombreux avantages. Outre les avantages économiques et d’innovation, l’immigration sera, durant les prochaines années, une nécessité absolue pour l’Europe : avec une population vieillissante et un taux de fécondité faible, l’Europe aura besoin, d’ici 2050, de près de 56 millions de travailleurs immigrés afin de pallier les besoins de l’économie (Étude de la Commission européenne d’octobre 2007).

Ces avantages ne peuvent pas être exclus du débat qui est mené actuellement, car ils sont d’une importance vitale pour la survie de notre union et de notre prospérité.

Malgré tout, le débat actuel ne prend pas en compte ces données essentielles et, en lieu et place d’apporter des solutions viables et bénéfiques pour l’Europe, la question existentielle qui se pose actuellement n’est autre que « comment pourrions-nous limiter, voire bannir, l’immigration de nos contrées ? ».

Or là n’est pas la question. Il ne s’agit pas de savoir si oui ou non, nous désirons les accueillir, mais bien d’arriver à se doter des outils nécessaires afin de le faire de la manière la plus efficace possible. Il est temps de cesser les préjugés faciles : les réfugiés ne sont pas des fainéants se reposant sur une sécurité sociale confortable. Ils ont mené le combat de leur vie afin d’échapper à la terreur et au désarroi économique, c’est le combat de leur liberté, le combat de leur indépendance retrouvée. L’amélioration de la situation ne passera pas par la stigmatisation accrue d’une population d’ores et déjà isolée, mais bien par l’opportunité que nous leur donnerons de pouvoir participer à notre économie tout en leur permettant de s’émanciper par le travail.

Le travail est émancipateur, et plus encore : il est un facteur d’intégration essentiel.

Acceptons l’immigration comme elle est réellement, c’est-à-dire un atout, une aubaine. Il est évident que cette transition vers une nouvelle vision de l’immigration passera obligatoirement par la case européenne. Et pour ce faire, il nous faudra du courage. Ayons le courage pour ne pas céder à la tentation démagogique et si simpliste d’une peur instinctive, mais irrationnelle. Ayons la force d’avoir une tenue exemplaire au sein du débat européen tout en apportant des idées novatrices et bénéfiques sur le long terme. Et vous, chère Europe, ayez le courage, vous qui défendez si chèrement et fermement les valeurs de démocratie et des droits de l’homme au sein de votre voisinage proche, de les appliquer en votre sein, malgré ces moments de crise. Car, si elles ne sont pas applicables à tous, c’est bien l’arrêt de mort des idées et des valeurs européennes, celles qui ont forgé de millions d’esprits dans et hors de l’Europe, que nous signerons.

Kerknawi Lawrence, étudiant en Master complémentaire en relations internationales et diplomatie à l’Université d’Anvers, il écrit son mémoire sur les implications de la migration en masse syrienne au Liban

Theys Alexandre, détenteur d’un Master en Sciences Politiques à l’Université Catholique de Louvain

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