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Michel à l’Europe: « Quand on ne sait pas, on prend le Belge »

Muriel Lefevre

Après des jours de palabres, c’est Charles Michel qui gagne la mise. Un autre Belge sera président du Conseil européen, à peine 5 ans après Herman Van Rompuy. Passage en revue des réactions dans les quotidiens flamands.

A 43 ans, Charles Michel est le plus jeune politicien à occuper ce poste. « C’est là le couronnement rêvé, mais inattendu, d’une carrière qui n’en est qu’à ses débuts », dit De Standaard. « Il doit cette consécration à une campagne sobre et au fait qu’il a laissé d’autres que lui placer les pièces du puzzle. « Tôt ou tard, il savait qu’il s’élèverait vers l’Europe, lui qui aime rappeler régulièrement que « la Belgique doit être dans le cockpit de l’Europe » et qu’il « fait partie d’une génération qui croit que le projet européen est l’un des plus beaux du siècle dernier », dit De Morgen. Qui poursuit « Ambitieux et démissionnaire, sa nomination est l’aboutissement d’un long voyage au cours duquel il s’est progressivement profilé comme un bâtisseur de ponts international. »

Car lorsqu’on souhaite occuper un poste d’envergure il y a une qualité qui prime plus que les autres dit De Standaard : « être prêt quand l’ascenseur s’annonce ».

Les astres étaient favorables puisque les sociaux-démocrates et les socialistes n’étaient plus en mesure de se partager les postes entre eux. Lui-même venait de finir sa première législature en tant que Premier ministre, condition primordiale. Et surtout, Michel était prêt. Après avoir construit patiemment de bonnes relations avec le premier néerlandais Mark Rutte en le premier luxembourgeois Xavier Bettel, il disposait déjà de beaux soutiens. A quoi est venu s’ajouter Macron. Cela fait en effet quelque temps qu’il s’est ouvertement tourné vers la scène européenne, où il s’est senti apprécié et a parlé avec plus d’arrogance. Avant les sommets importants, Michel a organisé des dîners avec Merkel, Macron et les autres grands de l’Europe, y compris à Val Duchesse.

Michel à l'Europe:
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Dans un autre article consacré au sujet, le Standaard précise que « Charles Michel n’a jamais été opposé à l’audace politique. Le fait qu’il n’a pas fait tapisserie en Europe lui a rapporté quelques lauriers ». Il fut ainsi le premier à annoncer l’accord sur la crise grecque par un tweet. Qu’importe si ce dernier n’était pas encore conclu à 100%. « C’était drôle, l’expression faciale de François Hollande, Xavier Bettel et les autres qui ont soudain vu ce tweet apparaître sur l’écran de leur smartphone… ». « Comme tant d’autres moments de sa carrière politique, par exemple le gouvernement kamikaze, cela montre qu’en nommant Michel, l’Europe a nommé un casse-cou politique », dit encore De Standaard.

Merci la N-VA

Indirectement, l’attitude eurocritique de la N-VA l’a également aidé. Cela l’a empêché d’adopter des positions trop proactives sur la scène européenne et de créer ainsi des adversaires d’Europe de l’Est. Ce qui n’a pas empêché le Premier ministre de se montrer un pro-européen convaincu qui « voulait être dans le cockpit » au moment opportun. Lors des discussions autour du Pacte de Marrakech, il n’a pas hésité à suivre la position de Merkel et Macron. « Le bon côté de l’histoire ». « Si cela lui a couté son gouvernement, probablement sa carrière au niveau belge, d’un point de vue personnel on peut dire qu’il en est sorti gagnant », dit De Standaard .

Theo Francken et Charles Michel
Theo Francken et Charles Michel

« Marrakech devient Marracash », dira l’ancien secrétaire d’État Theo Francken (N-VA) rappelle encore De Morgen. « Je savais qu’il ne s’agissait pas vraiment de ce pacte. Il s’agissait de se tenir du côté droit de Macron. » Dans le dossier sensible du remplacement des F-16 , Michel aura, aussi dans ce dossier, veillé à ne pas trop froisser Macron, précise encore De Morgen.

Quand on ne sait pas, on prend le Belge

Pour l’éditorialiste du Standaard, « les nominations d’hier sont une cynique épreuve de force qui risque de faire de gros dégâts. Aucun des candidats Spitzen qui ont été proposés par leurs partis comme figures de proue européennes n’a survécu à la répartition des postes de direction en Europe. Le négociateur français du Brexit, Michel Barnier, sera lui aussi torpillé. Cela ressemble à une mauvaise imitation d’une Agatha Christie dans laquelle, à la dernière page, c’est une maléfique soeur jumelle jusque-là inconnue qui s’avère être l’auteur du crime. L’attribution du pouvoir est toujours un champ de bataille fait d’équilibres fragiles, d’intérêts bruts, de rivalités inconciliables et d’ambitions personnelles. Ça ne fleure jamais bon. Et avec 28 pays autour d’une table, les choses deviennent encore plus difficiles. Or il y a une règle qui commence à se dessiner. Bien que la pérennité de la Belgique semble progressivement devenir bancale, il reste acquis que dans les exercices diplomatiques de ce niveau, le crédit de la Belgique reste particulièrement grand. Du coup, en cas de doute, on prend le Belge. »

Que va devenir le MR ?

De Morgen se demande aussi ce qu’il va advenir du MR, maintenant que Michel s’en va vers l’Europe. « Depuis qu’il est Premier ministre, l’homme de Wavre a façonné le parti à sa façon. Il a réglé la vieille querelle avec le clan Reynders en sa faveur. Mais maintenant qu’il est sur le départ, il ne semble pas y avoir de remplaçant. De quoi réveiller les vieux démons. »

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