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Michael De Cock (KVS): « La culture est devenue un dossier complètement symbolique »

Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Après l’Occupation du Théâtre National et celle de la Monnaie, le KVS a sonné le réveil de la culture après un trop long sommeil forcé avec sa réouverture ce 26 avril, date officielle de la fin de la « pause pascale ». Un coup de poker qui s’avère gagnant.

C’est une sacrée semaine pour Michael De Cock, acteur, auteur, metteur en scène et directeur depuis 2016 du KVS, le Théâtre royal flamand de Bruxelles. Alors que ce 30 avril, Bovary, son adaptation du roman de Flaubert co-mise en scène avec l’Espagnole Carme Portaceli, est diffusée sur Canvas dans la captation cinq étoiles réalisée par Jaco Van Dormael, il doit gérer, avec toute son équipe, la réouverture de son théâtre. Un geste de désobéissance à l’heure où toutes les salles de spectacle sont forcées de rester fermées jusqu’à une date encore indéterminée. Mais aussi un geste concerté, mesuré, qui a reçu immédiatement l’aval de Philippe Close (PS), bourgmestre de la Ville de Bruxelles, et qui a même décroché dimanche dernier le feu vert de Jan Jambon (N-VA) en tant qu’événement-test. 100 personnes, volontaires pour se faire tester le jour même avant la représentation et puis une semaine plus tard, assisteront dans un premier temps au spectacle Jonathan (lire aussi notre critique. La jauge pourrait monter jusqu’à 250 pour la fin de la série de représentations si la qualité de l’air renouvelé est suffisamment bonne.

« Réinventés mille fois… »

« Ce n’est pas une décision qui se prend seul, bien au contraire, souligne Michael De Cock. Elle a été prise avec mes collègues, avec tout le staff artistique et elle a été influencée par plusieurs facteurs. Depuis le confinement, nous nous sommes réinventés mille fois, en jouant à l’extérieur, dans des hôpitaux, en organisant des streamings live... On s’est adaptés encore et encore, mais à un moment donné, les gens n’en peuvent plus, on est au bout de la flexibilité du personnel. Là, on pourrait décider qu’on ne fait plus rien jusqu’en septembre mais ce n’est plus le moment, je crois. »

Si le KVS rouvre, c’est aussi pour dénoncer une situation absurde où l’on refuse aux uns ce qu’on accorde à d’autres. « Le 21 avril, Isolde Vanden Eynde a écrit dans Het Laatste Nieuws que j’avais dû tomber de ma chaise en voyant qu’il y avait 50 personnes sans masque dans un studio pour assister à l’enregistrement de l’émission De Cooke & Verhulst Show. Alors que nous, au même moment, on ne pouvait pas réunir 50 spectateurs dehors sur une place. Il faut arrêter! On n’arrive plus à expliquer cette différence de traitement. »

« Une minorité qu’on oublie »

Michael De Cock poursuit: Le problème, c’est que la culture est une minorité qu’on oublie souvent, ce n’est pas un lobby économique fort. Les avions, par exemple, ont toujours continué à voler. Après le premier confinement, on rigolait en disant que si tous les théâtres avaient des ailes, on pourrait ouvrir. La culture est devenue un dossier complètement symbolique. Plusieurs paramètres sont en conflit dans ce débat : la culture, sa nécessité, la nécessité que la politique s’intéresse à la culture, mais aussi la solidarité avec les hôpitaux, la solidarité dans la société, la désobéissance civile et la manière dont elle peut être un levier. »

Cette semaine au KVS est décisive pour tout un secteur. Et si pour l’instant tous les signaux sont au vert, rien n’est définitivement acquis. « On sait qu’avec la réouverture des écoles, les chiffres vont remonter, de 12 %. Ca risque d’être à nouveau la panique et qu’on nous dise de rester fermés. Mais ouvrons! En toute sécurité. Nous sommes capables de gérer le public, des protocoles ont été établis en septembre et octobre derniers. On croit que nous faisons partie du problème mais nous faisons partie de la solution et nous voulons aider. »

Cette Belgique qui bouillonne

Le Comité de concertation a opté pour la prudence et l’impatience grandit face aux mesures sanitaires. Le Vif donne la parole aux différents acteurs concernés, alors que certains représentants de la culture, l’horeca et l’événementiel menaçaient de reprendre avant l’heure, le 1er mai, et que l’adhésion des citoyens aux règles diminue. La désobéissance civile sera-t-elle évitée? Comment cette situation sera-t-elle gérée? Nous vous proposons, tout au long de la semaine, plusieurs regards sur ce moment délicat.

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