© Saskia Vanderstichelen

Mgr Léonard: « J’ai mes réserves vis-à-vis de saint François »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le primat de Belgique n’aime pas « cet esprit franciscain qui célèbre sans nuance les beautés de la création ». Il nous explique pourquoi.

Le Vif/L’Express : Monseigneur, auriez-vous pu être franciscain ?

Mgr Léonard : Je n’ai jamais envisagé cette vocation-là.

L’intellectuel que vous êtes aurait-il préféré devenir jésuite ? Je ne suis ni jésuite, ni franciscain, et j’en suis fort aise !

La figure de François d’Assise n’est-elle pas fascinante ? J’ai mes réserves vis-à-vis de saint François.

N’est-il pas le plus populaire des saints chrétiens ?

Il est populaire pour une raison qui me laisse perplexe. Beaucoup l’admirent parce qu’il a chanté la beauté de la nature et prêché aux oiseaux. Il a répandu une conception très optimiste de la création.

Qui vous déplaît ?

En réalité, la vie des humains et celle des animaux est tragique. La vie animale est une boucherie, une entretuerie. C’est bien gentil de prêcher aux oiseaux, mais quand ceux-ci voient un ver de terre, ils le déchiquettent. Quand un chat voit une souris, il ne lui fait pas des choses très sympathiques !

A la fin de sa vie, François d’Assise a composé le Cantique des créatures, qu’il chante haut et fort au pire de ses maladies. N’est-ce pas émouvant ?

Je lui suis reconnaissant d’avoir parlé, dans son cantique, du soleil, de la lune, des étoiles, de l’eau, du feu, du vent… « Béni soit notre frère le vent », clame-t-il. Encore que, si ce vent souffle à 300 kilomètres à l’heure, ce n’est pas un frère très commode. C’est plutôt un ennemi. Notre frère le feu, on l’apprécie dans l’âtre qui chauffe la maison, pas dans les forêts incendiées. Et heureusement que saint François ne bénit pas nos frères crocodiles et serpents ! Heureusement qu’il ne dit pas « Loué sois-Tu, mon Seigneur, par toutes Tes créatures, spécialement messire le frère serpent. Tu l’as doté de muscles puissants, d’un venin actif et d’une langue effilée qui lui permettent d’étouffer et d’empoisonner sa petite victime en quelques minutes. »

Quelle est votre propre conception de la création ?

Je suis un ardent défenseur des versets 18 et suivants du chapitre VIII de la Lettre de saint Paul aux Romains. Il y est dit que la création, dans son état présent, est « assujettie à la vanité » et « livrée à l’esclavage de la corruption ». N’oublions jamais cela. François chante la beauté de la création, alors qu’elle est effroyablement cruelle. La création nous nourrit, mais elle nous tue. Elle contient tous les virus qui nous empoisonnent la vie. Je n’aime pas cet esprit franciscain béat qui célèbre sans nuance la beauté du cosmos.

Entretien : Olivier Rogeau

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