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Marc Verdussen :  » Albert II a choisi le bon moment « 

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Questions sur l’abdication du roià Marc Verdussen, professeur de droit constitutionnel à l’UCL.

La Belgique n’avait plus assisté à l’abdication d’un roi depuis 1950. Sur le plan constitutionnel, cet acte pose-t-il question ?

Il faut relever que la Constitution ne prévoit absolument pas la possibilité d’une abdication. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit impossible. Le roi, on le sait, est un citoyen particulier. Il n’empêche qu’il existe quelque chose qui réunit tous les citoyens, ce sont les droits fondamentaux. Qu’on soit roi ou pas, on a tous le droit de jouir d’un certain nombre de droits, parmi lesquels celui de ne pas être astreint à un travail forcé. La Convention européenne des droits de l’homme reconnait le droit de pouvoir se reposer après avoir travaillé toute sa vie. Dès lors, j’estime que la demande qu’il a introduite de pouvoir abdiquer est tout à fait légitime sur le terrain juridique.

Une abdication du roi le 21 juillet, suivie de la prestation de serment de Philippe dans la foulée, n’est-ce pas un peu rapide ?

A partir du moment où l’abdication est effective, le successeur doit prêter serment dans les dix jours. On peut donc très bien concevoir une prestation de serment le même jour.

L’abdication d’Albert II et l’entrée en scène de Philippe ne risquent-elles pas de bloquer toute révision future de la fonction royale ?

J’ai toujours considéré que la question des pouvoirs du roi n’était pas du tout un tabou. Ce dossier doit pouvoir être abordé sereinement. Il faut éviter deux attitudes. La première serait de se dire qu’on n’ouvre pas ce dossier, car il n’en vaut pas la peine, ce qui serait une erreur. Il y a dans la population, et pas seulement au nord du pays, une tendance de plus en plus importante pour revoir un petit peu les pouvoirs du roi. On ne peut pas en faire abstraction. D’un autre côté, il y a ceux qui veulent réduire la fonction à quelque chose de tout à fait protocolaire, à la manière du roi de Suède. Je pense qu’entre les deux il y a moyen de trouver un chemin beaucoup plus nuancé. Le fait que le roi abdique maintenant ne change rien au fait que ce débat mérite d’être ouvert, ce qui ne veut pas dire pour autant ouvrir toutes les vannes.

Cela parait tout de même plus délicat de revoir les pouvoirs d’un roi déjà en exercice…

Probablement. C’aurait été plus simple de le faire avant, et je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi on a tant tardé. Mais je ne crois pas pour autant qu’on puisse affirmer que le dossier ne pourra pas être engagé.

Quand ?

Nécessairement après les prochaines élections. Si l’on veut diminuer les pouvoirs du roi, en tout cas les modifier, il faut réviser la Constitution et donc inclure ce point dans la déclaration de révision.

Après le 21 juillet, l’ex-roi Albert deviendra-t-il un citoyen ordinaire ?
Tout à fait. Il perdra toute protection pour les actes qui relèvent de sa vie privée, par exemple l’affaire Delphine. Des règles de procédures à respecter sont prévues, mais elles ne font fait pas obstacle au fait qu’il redevient un citoyen comme les autres.

Vous avez participé aux travaux du Sénat sur la réforme des dotations à la famille royale. Rien n’avait été évoqué à propos de ce cas de figure ?

Non. On avait parlé de la dotation de la veuve, voire du veuf, mais pas du tout de la situation du roi qui abdique. Il paraitrait toutefois logique qu’il puisse percevoir une dotation raisonnable — peut-être pas aussi exorbitante que celle dont a bénéficié Fabiola pendant des années. Personne ne s’y opposerait, c’est évident.

Le roi n’aurait-il pas mieux fait d’attendre les élections de mai 2014, afin de ne pas infliger ce fardeau à Philippe ?

Si l’intention du roi était d’abdiquer prochainement, je pense que c’est une très bonne chose qu’il le fasse maintenant. Il vaut mieux installer Philippe le plus vite possible sur le trône pour qu’il puisse — non pas se préparer, car il est prêt –, mais du moins entrer dans sa fonction avant les élections. A force d’attendre, on renforcerait l’idée qu’il n’est pas capable d’exercer la fonction. Non, c’était le bon moment. On ne peut rien reprocher à Albert II.

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