L’activité politique est cette part de la vie humaine en laquelle se concentrent, se rencontrent et s’entrechoquent toutes les aspirations, légitimes ou non, les intérêts et les contraintes, toutes les confrontations possibles.
Si certaines périodes sont d’apparence plus calme, il n’y a en réalité nulle accalmie. Des forces divergentes sont toujours à l’oeuvre, opérant sur scène, dans les coulisses, dans chaque recoin de la « res publica ». Ces forces, malgré l’évolution raisonnable et l’équilibre recherchés au sein du système démocratique, peuvent se transformer en crises, en heurts, en revendications allant parfois jusqu’à recourir à la violence ; ce sont de tels moments critiques, politiques et sociaux, que notre société traverse actuellement.
Par ailleurs, et de façon indéterminée, les paramètres, les données d’une situation, ne cessent de se transformer. Prenons l’exemple des réseaux sociaux. Précédemment, ils n’existaient pas, alors qu’ils s’imposent désormais en tant que vecteurs d’opinion publique et de débat démocratique de premier plan. De vecteurs, ils peuvent également devenir « acteurs », comme ce fut le cas lors du Printemps arabe ou, de nos jours, pour les « Gilets jaunes ». Du Facebook convivial on est passé à des enjeux de société et de démocratie.
C’est une des caractéristiques de notre époque : des progrès technologiques et sociétaux rapides induisent des modifications, voire des glissements, du terrain sur lequel s’avancent celles et ceux qui entendent assumer la responsabilité politique qui est la leur. Toutefois, ces modifications, si elles doivent être prises en compte, n’affectent pas leur engagement fondamental : « Je vois, écrit Pierre Mendès France, que je me bats aujourd’hui sur un terrain qui n’est plus tout à fait semblable à celui d’hier. Mais mes convictions profondes n’ont pas changé ; je crois plus fort que jamais à des principes de vie ». J’y reviendrai, mais ces mots traduisent parfaitement l’authenticité humaniste et libérale du discours prononcé par le Premier ministre Charles Michel à la tribune de l’ONU.
On peut joindre à l’exemple des réseaux sociaux, une multitude d’autres, liés à la financiarisation de l’économie, à la mondialisation des enjeux et défis, aux soubresauts nationalistes…, afin d’illustrer l’enchevêtrement auquel doivent faire face celles et ceux qui tentent de toujours dresser des remparts contre l’injustice, contre la misère, contre la violence, contre le mal. A cet égard, une Constitution, des institutions, la diplomatie, la justice, la loi sont les seuls vrais atouts des démocrates. C’est pourquoi, les extrémistes de droite ou de gauche ont pour constante commune de discréditer l’appareil légal et institutionnel, car ils savent que l’Etat de droit est la première garantie de protection de tous les citoyens.
En quoi consiste la vigueur de la démocratie ? En une sorte de double-mouvement continu : rechercher les causes à l’origine des problèmes vécus par les gens (par exemple, les charges excessives pesant sur la classe moyenne, sur les familles…) et mettre en oeuvre les réponses les plus adéquates telles qu’elles ressortent de la confrontation pacifique des points de vue (par exemple, intensifier la lutte contre la fraude fiscale, poursuivre le tax shift qui rend du pouvoir d’achat…). Cette double vocation de la démocratie – l’Histoire l’a montré – est impossible dans un autre système, de type conservateur, fasciste ou communiste.
Prenons le cas de l’immigration, cet enjeu-clé pour le monde dans lequel très rapidement vivront nos enfants et petits-enfants. L’Union européenne compte quelque 450 millions d’habitants ; l’Afrique 1,25 milliard. Une pression migratoire d’une ampleur exceptionnelle va confronter le monde occidental à une épreuve sans précédent. L’Etat-providence européen sans frontières ne peut absorber une telle pression. C’est exact. Mais il est tout aussi exact que la stratégie des forteresses imprenables révèlera, elle aussi, son inefficacité. L’équilibre est à rechercher entre l’abstraction angélique et l’égoïsme concret, qui tous deux se révèleront très vite dangereux. Par-delà les ressentis des uns et des autres, aucune réponse efficace et résistante au temps, ne pourra être apportée isolément. La coopération entre le maximum d’Etats pour ne pas fracturer les pays de destination, est nécessaire. La coopération entre le maximum d’Etats pour lutter contre les formes d’immigration irrégulière et l’exploitation mafieuse, est nécessaire. La coopération entre le maximum d’Etats pour aider les pays d’origine à développer des conditions de vie (sécurité, prospérité, démocratie…) qui rendront inutile l’immigration, est nécessaire – Stephen Smith, termine son livre « La ruée vers l’Europe » par ces mots : « Il m’est souvent arrivé de songer à une Afrique qui bénéficierait de toute cette énergie actuellement mobilisée pour lui tourner le dos. A quoi ressemblerait-elle ? ». C’est cette coopération que l’ONU recommande, sans retirer à notre pays la capacité de décider de notre politique migratoire. La grande majorité des groupes politiques du parlement belge partage la conviction qu’il faut oeuvrer en ce sens. C’est cette conviction que Charles Michel a exprimée, en se fondant sur les valeurs de notre pays, mais aussi et surtout sur l’intérêt indéniable – en cette matière comme dans bien d’autres – du multilatéralisme.
A surgi alors la crise gouvernementale provoquée par une volte-face de la NVA, crise dont on se demande si elle vraiment « last minute », due à la relecture par Théo Franken de dossiers qu’il avait approuvés depuis deux ans, ou si elle s’inscrit dans une stratégie électorale et séparatiste davantage préparée. Le gouvernement Michel avait pourtant réalisé des réformes libérales essentielles durant ces quatre dernières années et démontré sa capacité à assumer des décisions audacieuses comme la réduction de l’impôt sur les entreprises, afin de créer plus de deux cent mille emplois nouveaux. Notre société, on le constate, a besoin de cette capacité politique à défricher des pistes nouvelles afin de rencontrer, de façon crédible et efficace, les appels des citoyens. Citoyens qui se sentent victimes d’injustices qu’ils ne parviennent pas à préciser, mais dont ils ressentent les effets.
Notre démocratie, avec ses règles, ses débats, ses outils, permet de faire face, de ne pas laisser les gens sans réponse à propos du pouvoir d’achat, du coût de la vie, de la transition énergétique, de la sécurité antiterroriste… Aussi, ce serait une erreur d’immobiliser la capacité de décision gouvernementale. C’est pourquoi Charles Michel propose un gouvernement remanié, minoritaire, travaillant avec et sous le contrôle du parlement. Aux différents partis démocratiques composant le parlement belge de prendre leurs responsabilités.
Richard Miller, député MR
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