
Magnette et Prévot défendent le CETA amendé en commission du Parlement
Le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) et le ministre Maxime Prévot (cdH) ont défendu jeudi soir, devant la commission des Affaires européennes du Parlement wallon, les précisions et aménagements au projet d’accord commercial entre l’UE et le Canada (CETA) qu’ils ont âprement négociés ces derniers jours.
Durant un peu plus de trois heures, ils ont listé les avancées engrangées, dont beaucoup avaient été réclamées par les députés wallons eux-mêmes au printemps dernier, et reconfirmées le 14 octobre dernier encore.
M. Prévot a livré par le menu toutes les mesures arrachées afin de défendre les intérêts des agriculteurs wallons ou la santé des consommateurs, notamment par le refus strict d’importation d’OGM ou de viande aux hormones.
Le ministre-président s’est lui félicité que le mécanisme de règlement des différends (ICS) soit désormais soumis à l’avis préalable de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que l’indépendance de juges de l’ICS soit garantie, qu’un accès à moindre frais pour les PME soit garanti, ou encore que les parlements régionaux ou communautaires auront bel et bien le dernier mot sur l’entrée en vigueur définitive du traité.
« On a fait un petit peu de chambard autour de ce CETA », a-t-il reconnu le sourire en coin. « Mais nous avons maintenant établi une ‘tradition wallonne’ pour l’élaboration des futurs traités commerciaux », s’est-il félicité. « J’espère que d’autres parlements vont maintenant s’emparer eux aussi de ce sujet plutôt que d’être de simple presse-bouton… ».
Plusieurs députés, de la majorité comme de l’opposition, se sont inquiétés jeudi soir de la valeur juridique et de la force contraignante réelle des nombreuses annexes jointes au CETA.
Pour leur répondre, M. Magnette avait invité Nicolas Angelet, cet éminent spécialiste du droit international de l’ULB-VUB qui a conseillé le gouvernement wallon tout au long de ces négociations très techniques et juridiques.
Celui-ci leur a certifié qu’aucun doute ne subsistait sur la validité des différentes annexes imposées par les négociateurs wallons.
Les députés doivent se retrouver vendredi matin à 11h00, mais en réunion en séance plénière cette fois, afin d’approuver le projet de traité commercial.
Dans la majorité, la députée Olga Zrihen s’est félicitée de ces « avancées significatives » désormais insérées dans ce qu’elle a rebaptisé le « New CETA.Wallonia ». « On est entré dans le monde des possibles et on peut en être fiers ».
Marie-Dominique Simonet (cdH) a elle aussi salué le travail accompli par le gouvernement. « Manifestement, le traité a bougé », alors que des mois durant le traité leur fut présenté comme non-négociable, notamment concernant le règlement des différends, a-t-elle rappelé.
Devant les députés, M. Magnette a toutefois reconnu n’avoir pu satisfaire toutes les exigences du Parlement, notamment quant à une définition plus précise des secteurs visés par le traité (« listes positives » dans le jargon), le rejet d’une entrée provisoire du traité, ou encore un avis de la CJUE sur l’ensemble du texte, et pas seulement sur l’ICS.
Pression mise sur les députés wallons
L’opposition tant PTB qu’Ecolo a, elle, dénoncé la pression mise sur les députés wallons appelés à se prononcer sur le compromis en 24 heures à peine.
« M. Magnette a toujours dit lors des négociations qu’il ne se laisserait pas enfermer dans un calendrier, mais nous, ici, on doit bien vite se prononcer », a pesté Frédéric Gillot (PTB).
« On assiste au crash du processus démocratique », a enfoncé Stéphane Hazée (Ecolo), exprimant le souhait de pouvoir disposer d’un peu de recul, de pouvoir consulter des experts, la société civile, pour se forger une opinion sur un texte dont il disait ne pas disposer jeudi soir de tous les amendements.
Le ministre-président a reconnu l’étroitesse des délais, ajoutant toutefois que c’est le gouvernement fédéral qui l’a imposée. « Il voulait nous laisser douze heures. On leur a dit que pour une approbation par quatre parlements c’était un peu court. Le délai a alors généreusement été étendu à vendredi minuit… », a-t-il ironisé.
L’opposition MR, partisane dès le début du CETA, a estimé par la voix de Virginie Defrang-Firket que les clarifications obtenues par le gouvernement wallon n’apportaient rien de neuf au contenu du traité.
La députée a dit voir dans le compromis dégagé jeudi la preuve du « bon fonctionnement des organes de concertation belges » et du « rôle de facilitateur joué par le Premier ministre Charles Michel » dans ce dossier.
Un commentaire qui a suscité une volée de ricanements et sarcasmes parmi les autres formations.
« Si ces organes de concertation avaient pu mieux fonctionner un peu plus tôt, nous n’en serions peut-être pas arrivés jusque-là… », lui a répondu en substance le ministre Prévot, la majorité wallonne reprochant au gouvernement fédéral de n’avoir prêté oreille à ses remarques envers le CETA que bien tardivement.