Le Conservatoire de Nantes © Audrey Cerdan / L'escaut

Made in Belgium: onze lieux où brille notre savoir-faire à l’international

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Petit pays, mais qui brille loin de chez lui. La preuve en onze lieux, à travers le monde et même au-delà. Où le rayonnement belge n’est pas qu’une affaire de réputation: il s’y dresse. Donc il s’y touche, il s’y regarde, il s’y hume, aussi. Par (presque) n’importe qui.

En cette fin d’année, Le Vif a décidé de prendre le temps. D’enquêter, de raconter le monde, d’offrir à ses lecteurs des récits qu’ils ne liront pas ailleurs. Retrouvez tous les articles de notre premier mook ici.

1. Le Conservatoire de Nantes

Il y a le bâtiment principal, de 1979 et réalisé par l’architecte nantais Pierre Doucet. Il y a le lycée Nelson Mandela, ouvert en 2014 pour les filières liées au conservatoire. Il y a l’auditorium Brigitte Enferer, 2014 lui aussi. Et il y a le Pont supérieur, le pôle d’enseignement supérieur du spectacle vivant (six studios de danse, entre autres), créé en 2012 par l’atelier d’architecture nantais Raum et la coopérative belge d’architectes L’Escaut, implantée rue de l’Escaut, à Molenbeek, et qui marie architecture, scénographie et urbanisme. Devise: « Pas de style ni de méthode type mais une réponse située et poétique à chaque projet. » A Nantes, ça donne 2 693 m2 et six étages de béton, brique et acier. Au rez, « un espace-tampon thermique librement appropriable ». On l’appelle « le septième studio ».

2. Les grilles du zoo de New York

Dessinées en 1926 par le sculpteur américain Paul Manship – vingt-deux animaux représentés -, les grilles du zoo du Bronx Park ont été coulées en 1933 par la Compagnie des Bronzes dans sa fonderie de Molenbeek, avant de rejoindre New York en pièces détachées. L’entreprise belge possède alors aussi des ateliers au coeur de Bruxelles, rue d’Assaut, où elle a démarré en 1854 sous le nom de Cormann et Compagnie. Spécialités: le bronze industriel, la robinetterie, l’éclairage public, les dorures puis les statues et sculptures en bronze. On lui doit la fontaine de Brabo (Anvers), le monument Jan Breydel et Pieter de Coninck (Bruges), les quarante-huit métiers du Petit Sablon et quatre statues du dôme du palais de justice de Bruxelles. En 1977, dernière coulée à Molenbeek, là où trônent aujourd’hui La Fonderie et son musée des industries et du travail.

Les grilles du zoo de New York
Les grilles du zoo de New York© getty images

3. Abraham Lincoln, à Fort Wayne

La statue a aussi été coulée par la Compagnie des Bronzes, en 1931. Elle représente le seizième président des Etats-Unis lorsqu’il était jeune et vivait dans l’Indiana. Haute de 3,8 mètres, elle est érigée à Fort Wayne, deuxième plus grande ville de l’Etat (après Indianapolis), sur Harrison Street. Lincoln y apparaît rêveur, à la limite du spleen, un livre à la main, un chien contre son genou. Le modèle en plâtre est toujours visible à La Fonderie, comme ceux des animaux du portail du zoo de New York. Il est lui aussi l’oeuvre de Paul Manship. A l’époque, les sculpteurs passaient directement contrat avec l’entreprise bruxelloise, réputée pour sa technique de fonte à cire perdue, rendant les détails de l’oeuvre beaucoup plus visibles.

Abraham Lincoln, à Fort Wayne
Abraham Lincoln, à Fort Wayne© DR

4. Le monument aux deux Congrès, à Buenos Aires

Ou Monumento de los dos Congresos, sur la Plaza del Congreso, face au Congrès national (Chambre et Sénat). Au milieu de la place, le monument en bronze et pierre de Nancy, avec sculptures animalières, statues mariannesques, vasques et fontaines, rend hommage à deux congrès historiques: celui de l’Assemblée de 1813, censé proclamé l’indépendance de l’Argentine, et celui de Tucumán de 1816, qui la décréta. Inauguré en 1914, il est l’oeuvre du sculpteur de Roulers Jules Lagae et de l’architecte de Saint-Josse-ten-Noode Eugène Dhuicque, sélectionnés en 1909. La trace belge y est encore plus profonde: c’est le Liégeois Jules Dormal qui a achevé la construction du Congrès, en 1906. Parce que l’architecte italien Vittorio Meano, qui avait démarré le chantier en 1897, fut assassiné en 1904.

Le monument aux deux Congrès, à Buenos Aires
Le monument aux deux Congrès, à Buenos Aires© getty images

5. Burj Khalifa, à Dubaï

On n’a jamais construit aussi haut (828 mètres), en attendant la Jeddah Tower, en Arabie saoudite (1 000 mètres, en 2025). La « Tour Khalifa », bâtie de 2004 à 2009, c’est le vertige des chiffres: un milliard d’euros de budget, 517 240 m2 de superficie, capacité d’accueil de 35 000 personnes, 330 000 m3 de béton armé, 39 000 tonnes de poutres d’acier, 142 000 m2 de verre, 160 étages habitables, 57 ascenseurs, 22 millions d’heures de travail cumulées… Et des polémiques sur les conditions salariales et de sécurité des milliers d’ouvriers (immigrés), la consommation d’eau, les eaux usées… Son promoteur est de Dubaï. Les architectes et ingénieurs de Chicago. Les constructeurs sont sud-coréens, émiratis et… belges: Besix, présent aussi dans le consortium de la future Uptown Tower (540 m), toujours à Dubaï. Petit pays, grand bâti.

Burj Khalifa, à Dubaï
Burj Khalifa, à Dubaï© getty images

6. Le Prince Noir, à Leeds

C’est Edouard de Woodstock, fils aîné du roi Edouard III et mort en 1376. Et c’est une statue, équestre et gigantesque, au milieu de City Square, une place elle-même au centre du chef-lieu de la région du Yorkshire et Humber, au nord-ouest de l’Angleterre. « Prince Noir », parce qu’il portait une armure noir de noir. La sculpture représente d’ailleurs le Prince de Galles en cotte de mailles, casque et épée. C’est l’oeuvre du Britannique Thomas Brock, dévoilée en 1903. En bronze. Donc encore un coup de la Compagnie des Bronzes! Elle fut coulée à Bruxelles et expédiée par bateau jusqu’à Hull, ensuite par barge-canal jusqu’à Leeds. Très controversée aujourd’hui, parce qu’elle présente le Prince Noir comme un fleuron de la chevalerie anglaise, l’histoire le plaçant désormais plutôt au rayon boucherie.

Le Prince Noir, à Leeds
Le Prince Noir, à Leeds© getty images

7. Le monument Goethals, à Panama

Pas Raymond. George Washington Goethals. Né à New York de parents originaires de Stekene, en Flandre-Orientale. Ingénieur et colonel de l’armée américaine, il dirigeait le United States Army Corps of Engineers, qui construisait ponts, chaussées, barrages et canaux. Comme celui de Panama. C’est GWG qui a supervisé le chantier de 1903 à son achèvement (1914), après que Ferdinand de Lesseps, pour cause de caisses vides, eut abandonné le projet. Il a si bien fait le job qu’il a son monument (dix-sept mètres de haut) depuis 1954 devant le bâtiment de l’administration du canal. Il existe aussi, depuis 1928, le Goethals Bridge, reliant le New Jersey à Staten Island, la Goethals Medal, décernée annuellement à un(e) ingénieur(e), et le Goethals boulevard à Gamboa, au Panama. Mais rien à Stekene.

Le monument Goethals, à Panama
Le monument Goethals, à Panama© DR

8. Le TriBeCa Penthouse

Propriété de Robert De Niro depuis 2008, au huitième et dernier étage du Greenwich Hotel de New York, il mesure 260 m2 et est bordé d’une terrasse tout en verdure. A 15 000 dollars la nuit, pas sûr qu’on y admirera en vrai la décoration signée Axel Vervoordt, antiquaire et marchand d’art anversois, et Tatsuro Miki, architecte japonais basé à Bruxelles. On dit qu’il y a là des objets venus de partout et de tout temps. Les lieux sont habités par l’esprit wabi. Vervoordt, qui a aussi refait l’intérieur californien du couple Kanye West – Kim Kardashian, le définissait ainsi, en mars dernier, à Vanity Fair:  » On ouvre la porte, on est capté par une force silencieuse, par la terre et, en même temps, par une grande spiritualité et par le silence au milieu du bruit de New York.  » Bref: très luxe mais très rustique. Avec des trucs qu’il a chinés mais très dépouillé…

Le TriBeCa Penthouse
Le TriBeCa Penthouse© Photographs Courtesy The Greenwich Hotel, Axel Vervoordt, Laziz Hamani, Nikolas Koenig

9. La Rinascente, à Rome

La Rinascente, c’est une chaîne de grands magasins de prêt-à-porter chic dont le premier a été inauguré en1865 à Milan. Après, elle s’étend à toute l’Italie et au-delà (elle a avalé les boutiques Printemps, en France). En 2017, elle ouvre au coeur de Rome, dans un immense immeuble (14 000 m2) datant de 1900, son second flagship store (après Milan), pas loin de la Fontaine de Trevi: via del Tritone. Six étages de boutiques et restaurants agencés façon « palais dans un palais ». Façon Vincent Van Duysen, né à Lokeren, diplômé à Gand et basé à Anvers. C’est son bureau qui a supervisé le design des espaces publics du bâtiment rénové durant onze ans. On caractérise son travail par sa « préférence pour les formes primaires et les volumes compacts, un style plat, simple, clair mais aussi pur, élémentaire, essentiel, minimal et introspectif ». A Rome, c’est magistral.

La Rinascente, à Rome
La Rinascente, à Rome© DR

10. Le « Fallen Astronaut » sur la Lune

L’unique oeuvre d’art sur le seul astre du système solaire où l’homme a posé le pied, à ce jour, vient d’Anvers ! En 1971, Paul Van Hoeydonck rencontre l’équipage américain d’Apollo 15. Il sculpte alors un astronaute de 8,5 cm en alu pouvant braver toutes les températures et l’absence de gravité. Peu après, l’équipage soviétique de Soyouz 11 meurt au retour de trois semaines de séjour spatial. Van Hoeydonck donne alors à sa création le nom de Fallen Astronaut, en hommage aux quatorze astronautes morts (vingt-trois aujourd’hui) en mission. Quand Apollo 15 réussit le cinquième alunissage humain de l’histoire, le 30 juillet, David R. Scott, son commandant, y pose l’oeuvre, non signée, et une plaque commémorative avec le nom de ceux qui sont tombés pour l’espace. Pas la trace belge la plus facile à retrouver. Donc la plus belle?

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Le « Fallen Astronaut » sur la Lune© nasa

11. Le baldaquin de la Basílica de Santa Maria de Guadalupe, à Mexico

La basilique date de 1709. C’était alors une église, qui abritait la relique de la Vierge. Elle devient collégiale quarante ans plus tard et basilique en 1904, selon la volonté du pape Pie X. On y trouve un autel en marbre blanc de Carrare sculpté par l’Italien Carlo Nicoli, comme l’immense baldaquin en bronze qui le recouvre. Ce baldaquin, « soutenu par des colonnes de granit écossais de quatre tonnes chacune et d’une voûte en bronze avec des sculptures d’archanges en bronze », précise le projet be-monumen (répertoire du patrimoine statuaire d’art ou d’ornement, en fonte et en bronze, d’origine belge et localisé dans l’espace public), date de 1895. Il a été fondu à la Compagnie des Bronzes, rue d’Assaut, à un souffle de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule.

Le baldaquin de la Basílica de Santa Maria de Guadalupe, à Mexico
Le baldaquin de la Basílica de Santa Maria de Guadalupe, à Mexico© DR

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