Luc Coene © Belga - THIERRY ROGE

Luc Coene aimerait virer les Grecs de l’euro !

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

« Franchement, laisser la Grèce partir serait une bonne chose » : l’ex-gouverneur de la Banque nationale entré au service de la Banque centrale européenne s’est épanché au… Parlement wallon. Bye-bye Athènes ? Luc Coene donne le signal. Fort.

Luc Coene était en bord de Meuse, ce lundi, pour une escapade au Parlement wallon. Le temps d’un échange de vues sans histoires avec les députés régionaux sudistes. La discussion programmée au sein du Comité d’avis chargé des questions européennes doit tourner autour de la situation financière de l’Europe. Rien de bien fracassant à se mettre sous la dent. En principe.

Le sujet épuisé et le « question time » écoulé, vient toujours le moment de la conversation à bâtons rompus. L’ancien gouverneur de la Banque nationale, parti exercer ses talents au sein de la Banque centrale européenne, reste à la disposition des élus pour d’ultimes éclaircissements. « Ce n’est pas pour les minutes et pour le rapport », précise l’orateur. Et pourtant…

Au fait, et l’embrouille grecque dans tout ça ? Luc Coene a bien sa petite idée sur l’épineuse question d’un Grexit qui indiquerait à Athènes la porte de sortie de la zone euro. A tout prendre, l’idée de voir les Grecs débarrasser le plancher ne lui déplairait pas du tout : « franchement, je trouve que ce serait une bonne chose qu’on laisse la Grèce partir, parce que si on va faire des efforts pour la maintenir, on va être continuellement soumis à des pressions de son côté pour mettre tout en question. » Luc Coene a le sens de l’image : « cela va se développer comme un cancer dans tous les autres pays. » Et la monnaie unique risque fort de ne jamais s’en remettre.

Visiblement en confiance, l’orateur ne tourne pas autour du pot. « Franchement, c’est aux Grecs de prendre la décision. Je dirais : « si vous voulez rester d’accord, vous restez, mais alors, vous remplissez toutes les conditions ». » Sinon ? « Qu’ils s’en aillent. » Scénario-catastrophe! Pas du tout. Plus zen que jamais, Luc Coene précise qu’à son humble avis « cela ne pose pas de problème pour l’Eurosystème. Au contraire, cela risque d’avoir un effet positif, parce que cela va discipliner tous les autres pays, pour être certain qu’il n’y aura pas de répétition. »

Le cauchemar grec n’en serait donc plus un, aux yeux de celui qui naguère affirmait que la sortie de la Grèce de l’euro « serait la solution du pire. »

Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et Luc Coene n’en est pas un. « Ce que Luc Coene déclare est énorme, d’une portée gigantesque », décode l’économiste Bruno Colmant. Non pas que son raisonnement/revirement sorte de nulle part : « le cas grec apparaît de plus en plus insoluble. La conviction qu’Athènes est en état de faillite et ne pourra tenir ses engagements grandit. Un nouveau discours s’installe depuis deux ou trois mois, selon lequel la sortie de la Grèce serait un embarras de moins. » Mais ce discours n’a jusqu’ici pas de caution officielle et reste confiné dans les milieux feutrés de la finance.

Cette fois, c’est un membre du Conseil de surveillance prudentielle auprès de la Banque centrale européenne qui s’avance en terrain découvert. Qui positive à ce point le Grexit pour mieux le « vendre à l’opinion publique. Et qui s’écarte du langage de la BCE qui l’emploie, laquelle s’en tient toujours à la rentrée dans le rang du mauvais élève grec soumis. Luc Coene, un pont trop loin ? « C’est quelqu’un d’extrêmement prudent. En s’exprimant ainsi, il trahit la conviction qu’un sauvetage de la Grèce n’est plus possible C’est un signal fort qu’il lance », poursuit Bruno Colmant.

Et c’est l’annonce publique que les temps sont sans doute mûrs pour larguer le « mauvais élève » grec, selon un scénario qui a préparé le terrain de la mise en quarantaine de la Grèce. « Le risque d’une contamination d’une sortie de la Grèce vers les autres pays est aujourd’hui davantage limité, puisque l’essentiel de la dette grecque est dans les mains publiques. L’idée grandit qu’un Grexit serait bénéfique pour la discipline interne de la zone euro et pour la Grèce elle-même », analyse l’économiste Etienne de Callataÿ. Qui parle d’ « un message fort, délivré sans langue de bois par Luc Coene, sur le ton d’une franchise qu’on adopte habituellement dans des cénacles plus confidentiels. »

Le bon de sortie de la Grèce a-t-il été ouvertement signifié au Parlement wallon ?

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