Olivier Mouton

L’opération de la dernière chance contre la N-VA

Olivier Mouton Journaliste

L’exploitation d’une erreur du chef de file fédéral N-VA Jan Jambon et l’attaque frontale de Kris Peeters contre le parti nationaliste font monter le ton au nord du pays. Enfin, la campagne flamande est devenue ardente…

Cela sera-t-il le tournant de la campagne électorale en Flandre et, par là même, en Belgique ? Ce week-end, Jan Jambon, chef de groupe N-VA au parlement fédéral, a choqué les esprits au détour d’un débat avec Wouter Van Biesen, président de Groen. Involontairement, il a réveillé les oppositions en Flandre et donné des arguments au CD&V visiblement désireux d’en découdre avec les nationalistes.

Evoquant la volonté du parti nationaliste de limiter les allocations de chômage dans le temps, Jan Jambon a choqué les esprit en laissant entendre queles chômeurs devraient avant tout vendre leur maison et utiliser leur épargne avant de pouvoir bénéficier du minimum vital. « La logique même », a-t-il ajouté lors du débat. Dimanche, devant le tollé provoqué, il a présenté ses excuses. Mais le mal était fait à un moment clé : dimanche soir, son président Bart De Wever défiait pour la première fois son adversaire direct, le ministre-président CD&V Kris Peeters, lors d’un débat télévisé. Le premier a accusé le CD&V de mener une « basse » campagne en exploitant ce dérapage, fidèle à son profil de Calimero. Pour les adversaires de la N-VA, ce dérapage donne toutefois des arguments pour ce qui semble ête l’opération de la dernière chance à deux semaines de la triple élection du 25 mai.

Dans tous les sondages d’opinion, la N-VA caracole largement en tête au nord du pays, visiblement inébranlable, avec plus de 30% des intentions de vote, le double de ses adversaires les plus directs. Dans le même temps, les partis traditionnels plafonnent, voire perdent du terrain, le CD&V et l’Open VLD ne profitant visiblement pas de la popularité de Kris Peeters ou de Maggie De Block. Se présentant comme la seule alternance au gouvernement Di Rupo, la N-VA capitalise sans peine. Déjà, certains se résignent peu à peu à la certitude qu’il faudra composer avec elle au lendemain des élections.

La seule stratégie pour tenter d’affaiblir la N-VA dans la dernière ligne droite consiste dès lors à profiter de ses erreurs pour démasquer son discours. Le parti brasse large avec ses accents conservateurs et nationalistes « modérés » (via le confédéralisme). Son seul talon d’Achille réside dans ses convictions ultralibérales et indépendantistes, qui pourraient effrayer une part de son nouvel électorat conquis en 2010. Ce n’est pas un hasard si le ministre-président Kris Peeters a qualifié dimanche soir les propositions nationalistes d’ « asociales » : lui, ancien de l’Unizo et du patronat flamand, est le seul qui puisse encore faire le grand écart pour rassurer les classes moyennes.

Jan Blommaert, anthropologue à l’université de Tilburg et chroniqueur respecté au nord du pays, a profité de l’occasion pour énumérer toutes les mesures antisociales déjà prises par la N-VA dans les différentes localités où, ne l’oublions pas, elle est déjà au pouvoir, depuis les réductions des subsides à la culture et aux initiatives à Anvers jusqu’à la privatisation des crèches à Wilrijk.

Cela suffira-t-il à effrayer les indécis ? A démontrer aux moins favorisés qu’ils voteraient contre leurs propres intérêts en choisissant la N-VA dans deux semaines ? Rien n’est moins sûr. Cette opération de la dernière chance risque de se heurter au cynisme machiavélique de Bart De Wever ou d’apparaître comme du « football panique » face à la machine bien rodée du numero uno flamand. Face au ronron des dernières semaines, cette saillie est toutefois la bienvenue. Quittes à être battu à plat de couture, le CD&V et les progressistes de Flandre auraient été coupables de ne pas avoir tenté de démontrer ce que la N-VA est au fond d’elle-même : un parti néolibéral, thatchérien, qui veut au fond de lui-même la fin du pays et de la solidarité.

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