Teun Hocks © Teun Hocks

L’oeuvre de la semaine: Théâtres de l’étrange

Guy Gilsoul Journaliste

Depuis 1973, il avait alors 26 ans, Teun Hocks imagine des histoires sans scénario mettant en scène un seul personnage, lui-même, toujours vêtu de gris : « J’essaie confie-t-il d’exprimer des choses qui valent pour tout le monde, qui ont une valeur générale et non de montrer mes propres frustrations ».

En réalité, avant que la mise en scène ne se développe dans la photographie des années 1980, Teun Hocks l’avait choisie pour évoquer entre le rire de Buster Keaton et le sérieux de Samuel Beckett le dérisoire de la condition humaine. C’est drôle en effet mais pas que, c’est sérieux mais pas que. Ici, l’action, arroser un outil de jardinage qui se met à verdir dans un paysage de désolation, pointe autant la solitude que l’impuissance de ce quidam jardinier dont aussitôt, on se sent proche.

L’impact visuel de la scène, renforcée par la vieillesse du « héros » (qui rend dit l’artiste « l’image plus grave et plus ridicule aussi ») doit aussi à la façon dont Teun Hocks réalise ses oeuvres. Tout part de petits dessins, nés d’observations du quotidien ou du souvenir de rêves éveillés. Souvent, ils se perdent dans des albums. Parfois, l’un d’eux refait surface et engage le crayon à préciser l’oeuvre à venir qu’il im agine cinématographique. Vient alors la création de décors faits main, souvent en carton-pâte.

Puis l’acte photographique traduit en noir et blanc d’abord. Tiré ensuite en sépia dans un format « tableau », l’oeuvre passe alors aux mains de Teun Hocks peintre. Usant de couleurs à l’huile transparentes et tout en ménageant les flous caractéristiques de la photographie, il donne à l’oeuvre une présence nouvelle. Le tableau prend en effet les allures chromatiques d’une toile du siècle d’or hollandais tout en se rapprochant des tenants d’un réalisme magique, on songe à Bert Blankert par exemple, dont les Pays-Bas sont friands. Ainsi, dans cette veine d’un certain non-sense dans laquelle, on pourrait citer le photographe français Gilbert Garcin, Teun Hocks révèle une singularité qu’il bouture, ratisse et arrose sans jamais tomber, fait rare, dans la routine. S’il partage aujourd’hui sa vie entre un village de France et la vivante Rotterdam, ses oeuvres ont depuis rejoint les collections du Moma de New-York ou encore du Stedelijk d’Amsterdam.

Bruxelles, Michele Schoonjans Gallery. Chaussée de Waterloo, 690 (Rivoli). Jusqu’au 30 octobre. Du jeudi au samedi de 11h à 18h. www.micheleschoonjansgallery.be

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