Initium Maris. Invisible Hoedic, 2019. C adagp Nicolas Floc'h © Initium Maris. Invisible Hoedic, 2019. C adagp Nicolas Floc'h

L’oeuvre de la semaine: sous l’eau, la vie continue

Guy Gilsoul Journaliste

En lien avec des institutions scientifiques comme le Museum d’Histoire naturelle, le laboratoire d’océanologie et de géosciences ou encore le parc national des Calanques, Nicolas Floc’h (Rennes 1970), traque, en périphérie des rivages, l’immensité des espaces qui séparent la surface et le fond des mers.

L’objectif : révéler comment, non loin des ports et des villes, les activités humaines transforment la réalité des habitats sous-marins qui, à leur tour, s’adaptent ou s’y dissolvent. L’artiste vise ainsi à construire une typologie de ces milieux qui dès lors, peut documenter les travaux des chercheurs. Mais « voir » est d’abord choisir son angle de vue, l’instant ou encore la lumière. En cela, l’image (au service du constat), contient aussi les divers éléments qui vont produire une émotion et, dans ce cas particulier, moins une impression de beauté que de sublime.

Moins un sentiment d’harmonie entre l’homme et la nature que d’inaccessibilité mêlant désir et effroi. En cela, la démarche renvoie au siècle des lumières quand, à la suite d’une série de catastrophes et de menaces (éruptions volcaniques, tremblements de terre et tsunamis au Portugal, en Italie et au large de Sumatra), le spectre du déluge refait surface. Dans le même temps, il attise de nouvelles disciplines scientifiques et l’oeil des peintres qui, par la rigueur de leurs observations, vont s’associer aux géologues, météorologues et autres vulcanologues afin de mieux connaître la terre, son histoire et son destin. On songe à Constable, John Ruskin, John Martin, Caspar Wolf ou encore Carl Gustav Carus. Mais face à ces documents qui peu à peu vont mener à diverses typologies du vivant, d’autres s’émerveillent mais sur un mode particulier défini au même moment par le philosophe Edmund Burke, le « sublime ».

Ainsi, de l’Allemand Carl Friedrich à l’Anglais Turner, le regard se fait vision qu’en simplifiant, on peut réduire à deux stratégies. La première met en scène l’immensité dont les silences et le calme enivrent, menacent et déréalisent. Près de trois siècles plus tard, la perspective de l’anthropocène prend la relève du celle du déluge. Dans la photographie contemporaine, cette approche de ces « monstruosité inspirantes » (Burke) se retrouve par exemple dans la série des « Seascape » de Fugimoto. La seconde stratégie, au contraire, pointe l’énergie incontrôlable contenue dans le paysage marin et en traduit la puissance par un effet de « vortex » comme dans les photos de Tacita Dean. Les photographies de Nicolas Floc’h sont à leur tour, à la fois des documents et des oeuvres en soi qui, comme aux XVIIIe et XIXe siècles, convoquent tour à tour le spectacle du silence, presque du non-espace tant tout y semble infini, et celui des énergies vitales emportées par les flux et les reflux.

Bruxelles, Fondation Thalie. 15 rue Bucholtz à 1050. Jusqu’au 11 juillet. Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h. www.FONDATIONTHALIE.org

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