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L’oeuvre de la semaine: l’homme, façon Tahon

Guy Gilsoul Journaliste

La position de ce personnage hybride est des plus étranges. Est-il accroupi, posé en équilibre instable sur ce qui pourrait être un tabouret ? Ou s’étire-t-il en un mouvement aussi raide qu’inadéquat? Que se passe-t-il dans ce corps séparé du visage par un cou dont la forme évoque à la fois un tronc d’arbre et un autre torse dont on aurait coupé les bras?

En brisant la frontalité de la statuaire, en reniant le hanchement classique, Johan Tahon évoque son lien avec ces artistes du baroque qui, à l’instar de Rubens, préféraient la rencontre des obliques plutôt que l’orthogonalité des Princes de la Renaissance. N’est-ce pas là allez vite en besogne direz-vous ? Non, si on se réfère à l’ensemble de l’oeuvre et ce depuis des années déjà. Non si on note que, pour cette pièce (et d’autres dans l’exposition), l’artiste cite la ville de Menrosa située non loin de Barcelone.

Or, c’est bien là, dans une grotte (aujourd’hui surmontée par un édifice religieux) qu’un certain Ignace de Loyola écrivit, suite à une retraite d’un an, les premières pages de ses « Exercices spirituels ». L’ouvrage, paru à Rome en 1548, n’est pas un livre à lire mais une suite de pratiques à expérimenter. Or, si cette recommandation détermine l’esthétique spectaculaire du baroque, elle invite aussi autant le corps que l’esprit. Associer un corps à un arbre, les relier par un mouvement de cassure et terminer par le visage apaisé d’un méditant, pourrait bien indiquer chez Tahon, son désir de partager sa propre expérience spirituelle. Mais en réalité, son oeuvre se ressource aussi à la pratique spirituelle orientale et aux écrits des sages tibétains.

Ainsi, la sculpture exprime-t-elle métaphoriquement, son opposition à la pensée mécanique du siècle des Lumières en liant l’homme dans l’arbre, l’esprit dans la sève, le mouvement dans l’immobilité et le féminin dans le masculin…. Le grand écart entre Ignace de Loyola et la tradition orientale est audacieux. Mais n’est-ce pas aussi là le privilège des artistes et des poètes ?

Anvers, Galerie van de Weghe. Pourbusstraat, 5. Jusqu’au 4 janvier. www.galerievandeweghe.be

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