L'esprit des formes, 2020. © Bruno Hellenbosch

L’oeuvre de la semaine : le message du sphinx

Guy Gilsoul Journaliste

« L’esprit des formes », titre de cette gravure sur bois monumentale (160 x 100) réalisée pendant le confinement par le Bruxellois Bruno Hellenbosch, renvoie au dernier tome d’une tout aussi monumentale « Histoire de l’art » écrite par Elie Faure dès 1909.

Anarchiste puis socialiste, partisan de l’affaire Dreyfus puis opposant à Franco, l’auteur de cette somme et par ailleurs médecin anesthésique y défendait une approche des arts qui n’était pas la norme (l’est-elle aujourd’hui ?) puisqu’elle postulait une méthode en trois moments : voir, ressentir, écrire.

Mais l’écrivain se distinguait aussi de ses contemporains historiens en ce que, en grand voyageur autour de la planète, il privilégiait les comparaisons souvent audacieuses et les analogies, juxtaposant des oeuvres en une sorte de musée imaginaire avant la lettre. Laboratoire expérimental, son oeuvre aura séduit un large public jusque dans les années 1960 où le temps des approches « formalistes » parût définitivement abandonné. Or, lorsqu’il écrit que « l’art ne s’apprend pas mais se ressent et se vit », il rejoint aujourd’hui bien des attentes.

Lorsqu’il vise une approche planétaire de l’art, il rejoint tout autant et non sans risque, la culture internet de notre temps. Et, justement, le fait que Bruno Hellenbosch (°1977), l’auteur de cette xylographie ait été l’assistant du peintre de « La Figuration libre » Hervé di Rosa qui savait y faire pour gérer les foultitudes de citations dans de joyeuses et critiques compositions, n’est pas pour rien dans l’espace en « horror vacui » qu’il nous propose.

Mais, pas que. Si le graveur, la gouge à la main, s’inscrit ainsi dans cette esthétique de la récup d’images, l’outil même l’amène à d’autres suggestions. En tordant le cou, par la raideur des découpes, aux « formes » abouties de Matisse ou Picasso, il ne rejoint Elie Faure que sur un point. Celui d’associer sans hiérarchie les cultures de l’Afrique, de l’Egypte, de la Renaissance ou encore du graffiti et de même les différents modes d’expression comme la peinture, la sculpture et l’architecture, évoquée ici autant par la figuration que par le symbole, le motif décoratif ou l’écriture.

Pour le reste, par ces assemblages hétéroclites et ces décalages esthétiques, Bruno Hellenbosch pointe surtout les limites de l’humanisme d’Elie Faure. Un indice ? Le mot « Hell » (enfer), seul message « écrit » que nous adresse le sphinx, symbole même du savoir dont il est le gardien tout en étant guérisseur et augure.

Galerie Dys. 84, rue de l’Arbre Bénit à Bruxelles. Jusqu’au 11 avril.

Du jeudi au vendredi de 11h à 18h, samedi et dimanche de 14h à 18h. https://www.galeriedys.com

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