© Pamela Tulizo pour la Fondation Carmignac.

L’oeuvre de la semaine : Décoloniser la beauté

Guy Gilsoul Journaliste

Lorsque Pamela Tulizo (°1993) annonce à ses parents sa volonté de devenir photographe, la réponse est cinglante :  » ce n’est pas un métier de femme « .

Elle sera donc photographe en faisant de Goma où elle est née et où elle vit depuis, son territoire de chasse. Sa proie : elle-même qu’elle interroge à travers toutes les femmes de son pays. Pas question donc pour elle de rejoindre la diaspora mais au contraire de livrer au monde occidental la réalité vécue de terrain.

Son dernier travail affronte un héritage colonial qui concerne aujourd’hui encore 40% des femmes africaines : le modèle de beauté à la peau claire et aux cheveux lisses. Valorisé par la publicité, il agit comme un désir d’identité conforme et un passe-droit pour l’embauche. A grands renforts de savons, pilules et injections, les femmes diminuent ainsi la concentration de mélanine avec, au bout du chemin, les risques bien réels de lésions hépatiques et rénales. Et puisque ces pratiques (auxquelles se soumit aussi la photographe jusqu’au moment où elle eut le sentiment de « se » coloniser), désignent une identité qui n’est pas africaine, son dernier reportage fixe sur papier glacé une réalité noire non conforme.

Par des vues rapprochées de visages de femmes, toutes dents dehors parfois et révélant par le détail, les caractères de leur peau, de leurs lèvres et de ces regards d’énergie, elle provoque la fierté d’être congolaise dans un pays dont la doxa avec la complicité des classes dirigeantes, dénie aux femmes, le droit d’être.

Les reportages de la jeune photographe (à peine cinq ans d’activité) lui ont valu très vite la reconnaissance des milieux professionnels. Après avoir participé à la Biennale de Lubumbashi 2019, elle a été la seule africaine à participer au prix international de la photo Christian Dior 2020 qu’elle a remporté et est actuellement en résidence au Wiels.

La série « Décoloniser la beauté » a été retenue par le photojournaliste anglo-canadien Finbarr O’Reilly (lauréat du Prix Carmignac) comme une douzaine d’autres réunis sous le titre « Congo in conversation », tous réalisés par des Congolais sur la réalité de leur vécu à l’heure du covid.

www.congoinconversation.fondationcarmignac.com

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