Ludwig Verduyn © Reporters / DIRV

Liste des Belges les plus fortunés: les tabous sur la richesse chancellent

Michel Vandersmissen
Michel Vandersmissen Journaliste pour Knack

Depuis 2000, le journaliste financier Ludwig Verduyn enquête sur les superriches de notre pays. Le résultat donne un site web qui publie les noms des 500 Belges les plus riches. Vous êtes les bienvenus à partir de 25 millions d’euros.

Les familles de brasseurs d’AB InBev caracolent en tête de la liste depuis des années. En deuxième et troisième position, on retrouve l’ancien sidérurgiste Albert Frère et les familles Colruyt. Omniprésent, Marc Coucke a réalisé l’ascension la plus rapide, avec une fortune estimée d’1,3 milliard d’euros.

Comment établissez-vous cette liste?

LUDWIG VERDUYN: Sur base de données publiques. Je demande les bilans de leurs entreprises, je lis les communiqués à leur sujet dans le Moniteur belge et je tiens également compte de leurs déclarations.

Quelles sont les tendances principales?

Les superriches de l’époque étaient dans des entreprises de production de masse. Mais comme les marges bénéficiaires ne sont plus très importantes dans ces entreprises, beaucoup d’entre eux passent à des produits à la valeur ajoutée plus importante et se concentrent sur les marchés moins substantiels et plus récents. La famille Maselis constitue un bel exemple (43,5 millions d’euros, 336e position dans le top 500, NDLR). Cette ancienne entreprise en alimentation animale s’est transformée en spécialiste en nourriture saine.

La Flandre compte un nombre étonnant de superriches.

C’est exact, toutes les semaines j’en découvre de nouveaux. Certains sont proposés par des lecteurs de mon site, et il y a même des Flamands qui se présentent spontanément. Ils le font par exemple parce qu’ils veulent que les chiffres soient corrects. Il est déjà arrivé aussi qu’un riche me demande à tort de figurer sur la liste. Mais ce n’est possible que s’il prouve que s’il est bon pour minimum 25 millions d’euros, soit un milliard de francs. Je constate que le tabou sur la richesse chancelle.

Quand vous avez commencé, vous vous êtes pourtant heurté à une résistance importante.

C’est parce que j’ai envoyé une lettre recommandée aux 200 Belges les plus riches pour exposer mon projet et demander leur coopération. Très vite, j’ai reçu 180 réponses d’avocats qui me menaçaient d’engager ma responsabilité en cas d’erreur. Jusqu’à présent, il n’y a pas un seul procès.

Ils craignent aussi que votre liste donne des idées aux criminels.

Je ne pense pas que les voleurs aient besoin de ma liste pour savoir qui est riche.

Y a-t-il encore beaucoup de superriches cachés que vous ne connaissez pas encore?

Probablement, mais leur nombre est difficile à estimer avec précision. Grâce à la levée du secret bancaire dans de plus en plus de pays, et l’attention accordée aux Luxleaks et les Panama Papers, on voit de plus en plus de fortunes cachées faire surface.

Cela arrive notamment quand on règle la succession de l’entreprise ?

La famille Delcroix de l’entreprise de pneus Deldo est un bon exemple. Comme le fondateur Jozef transmet la direction de son entreprise aux enfants, il a réduit l’enchevêtrement de dix-neuf sociétés en un seul holding, Delcrinvest. Du coup, sa fortune estimée a doublé à 653 millions d’euros, le plaçant en vingt-septième position du top 500.

Comment les gens sur la liste réagiront-ils si on instaure un impôt sur la fortune ?

C’est un dossier difficile. Je sais que certains ne sont pas contre un impôt unique, mais il faut voir comment le gouvernement compte l’organiser. Le plus grand obstacle, c’est l’absence d’un cadastre des fortunes : l’état n’a pas de vue sur ces fortunes. Je suis sûr qu’il y a des trésors d’oeuvres d’art cachés dans les coffres. Il faudra beaucoup de temps, de peine et surtout d’argent pour établir ce genre de cadastre et encaisser un impôt sur la fortune.

Qu’est-ce que l’état devrait faire dans ce cas?

Les riches se méfient de l’état. Un impôt sur la fortune ne ferait qu’accroître cette méfiance. Il y a énormément de cash dans les PME flamandes. On l’ignore, et par méfiance, les entrepreneurs traînent à investir leur argent dans l’économie. L’état peut rétablir la confiance en imposant toutes les entreprises équitablement et uniformément. Cela rapportera plus qu’un impôt sur la fortune.

Les dix Belges les plus riches

1 Les familles de Spoelberch, de Mévius & Vandamme

Brasserie AB InBev (Stella Artois et Jupiler)

* Fortune 52,81 milliards d’euros

2 Albert Frère

Gestion fortune GBL

* Fortune 6,21 milliards d’euros

3 La famille Colruyt

Distribution Colruyt

* Fortune 3,70 milliards d’euros

4 La famille Emsens

Matières premières et matériaux de construction Etex, SCR-Sibelco en Aliaxis

* Fortune 3,55 milliards d’euros

5 La famille Lhoist-Berghmans

Production de chaux Lhoist

* Fortune 2,78 milliards d’euros

6 Dragage et construction Jan De Nul

* Fortune 2,64 milliards d’euros

7 La famille Janssen

Industrie chimique UCB et Solvay

* Fortune 2,63 milliards d’euros

8 La famille Ackermans & van Haaren

Holding Ackermans & van Haaren

* Fortune 1,86 milliards d’euros

9 La famille Collinet

Exploitation de pierre calcaire et galvanisation Carmeuse

* Fortune 1,47 milliards d’euros

10 La famille Van Rompuy

La banque Argenta

* Fortune 1,43 milliard d’euros

Source: derijkstebelgen.be

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