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L’inamovible Laurette Onkelinx

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Ministre sans interruption depuis vingt-et-un ans, Laurette Onkelinx est un cas unique dans l’histoire politique récente. Voici les 8 secrets de sa longévité.

Par-delà les retournements d’alliances, les crises et les sorties de crises, trois personnes marquent la politique belge depuis deux décennies : Albert II, Elio Di Rupo et Laurette Onkelinx. Ce trio a vécu en première ligne tous les tremblements de la maison Belgique au cours des années 1990 et 2000. La vice-Première PS est aujourd’hui sur le point d’établir un record : devenir la ministre la plus expérimentée du pays. Au total, elle a passé vingt-et-un ans dans différents gouvernements. Seuls les compteurs de Karl-Heinz Lambert et de Charles Picqué affichent un chiffre plus élevé. Mais le rayon d’action du premier se limite à la petite Communauté germanophone, tandis que le second quittera ses habits ministériels dans trois mois. Le dossier que lui consacre cette semaine Le Vif/L’Express décortique le parcours politique de « Laurette », expliquant pourquoi la présidence du PS pourrait lui revenir en 2014 même si son parachutage à Schaerbeek semble constituer sa première véritable erreur, peut-être lourde de conséquence. Et l’enquête livre les raisons de cette longévité exceptionnelle dans l’histoire politique belge. Aperçu :

1.Sa force et sa compétence. Les parlements sont remplis d’ex-ministres éphémères, qui se sont révélés inaptes pour le poste, parce qu’ils ont commis des gaffes, ou parce qu’ils n’ont pas réussi à imprimer leur marque. Laurette Onkelinx a évité ces écueils..

2.Soutien présidentiel. Elle et lui, c’est un mariage de raison, plus que d’amour. Elio Di Rupo ne peut se passer d’elle, de son aura, de ce qu’elle incarne aux yeux des syndicats : Laurette Onkelinx, c’est le PS canal historique. La gauche sociale-démocrate dans ce qu’elle a de plus traditionnel. Personne, parmi les actuelles têtes pensantes du PS, ne provient comme elle du terreau militant. Cette légitimité-là constitue son maître atout.

3.Sans elle, ce serait pire. Qui, mieux qu’elle, représente le bouclier socialiste, protecteur des petites gens ? « Elle correspond jusqu’à la racine de ses cheveux à ce qui constitue la stratégie du PS depuis vingt-cinq ans, décrypte Jacky Morael, sénateur Ecolo. Elle colle tout à fait à cette ligne de com’: sans nous, ce serait pire. Elle nous a fait le coup sur l’index, sur les soins de santé, sur le chômage… »

4.I will survive. Ministre-présidente de la Communauté française lors des grandes grèves dans l’enseignement de 1996, elle a affronté la colère des profs. « J’ai toujours eu la conviction que Busquin (NDLR, alors président du PS)l’avait envoyée à ce poste pour la noyer, confie Philippe Moureaux, sénateur PS. Mais elle a résisté à la mollesse du parti et à la virulence syndicale. La plupart des gens, dans des conditions pareilles, foutent le camp ou ne s’en relèvent jamais. Elle a survécu. »

5.Pure. Laurette Onkelinx n’a jamais été accusée de quoi que ce soit. Au contraire, elle s’est forgé une image de femme pure, radicale dans ses appels à « nettoyer » le parti.

6.Du concret. La politique, pour Laurette Onkelinx, est une affaire concrète. Ce qui lui permet aujourd’hui de présenter un bilan étoffé. Mais ce qui peut aussi constituer une faiblesse. « C’est une femme de dossiers ponctuels, parfois très importants, mais pas une intello qui conçoit des mutations structurelles, glisse l’écologiste Jacky Morael. Elle travaille par compartiment. Elle s’est occupée de l’Enseignement, de la Justice, de la Santé… Mais elle n’a jamais présenté un grand plan pour adapter la sécurité sociale au 21e siècle. »

7.Le sens de l’Etat. « Dans son inconscient, il y a cette injonction : je me dois d’être une femme d’Etat. Si elle doit y laisser des larmes, elle y laissera des larmes… », assure Marc Uyttendaele, son compagnon. Qui relève aussi l’acceptation, par son épouse, des règles de la realpolitik. « Elle est beaucoup plus Churchill que Cohn-Bendit. Elle n’est jamais en rupture. La révolution, ce n’est pas dans sa structure mentale. Mais si elle dure, c’est aussi grâce à ce côté prudent, sans excès. »

8.La chance. Députée à 29 ans, elle se retrouve ministre à 33 ans, en bénéficiant des divisions qui minent la fédération liégeoise. En 1999 aussi, les circonstances jouent en sa faveur : après l’affaire Agusta et la défaite électorale qui a suivi, le PS a besoin d’une personnalité porteuse de fraîcheur et de renouveau. Raison pour laquelle Elio Di Rupo la nomme Onkelinx vice-Première ministre. Au détriment de Michel Daerden.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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