Nicolas De Decker

Liège, une certaine idée de la ville

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Liège (nom propre) : conglomérat urbain de Wallonie orientale, sur la Meuse. 196 337 habitants. Ancienne Athènes du Nord, ancienne principauté d’Empire, ancien bastion révolutionnaire, ancien siège d’intercommunales, Liège se rengorge d’un glorieux passé pour mordre sur un futur radieux.

Assuré de sa supériorité, le Liégeois puise son inaltérable confiance dans la légende de ses grands hommes, bercée de la puissance de Notger, la grandeur de Cockerill, la combativité d’André Renard, la beauté de Roger Claessen, la virtuosité de Grétry, le génie de Simenon et la probité de Gilbert Bodart. Au coeur de l’Europe et au centre du monde, Liège impose ses choix à l’univers, même si, parfois, celui-ci les refuse, comme quand Napoléon est battu ou quand Stéphane Moreau doit limiter ses émoluments.

La politique liégeoise, autocentrée depuis mille ans, condescend parfois à quelque répercussion nationale à laquelle elle reste, elle, rigoureusement insensible. C’est Walthère Frère-Orban qui, en 1846, écrit dans le train le programme du Parti libéral qu’il s’apprête, avec d’autres, à fonder dans la salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles. Ou c’est André Cools qui, en 1991, gît devant un immeuble de Cointe et dont la mort s’apprête à démolir le Parti socialiste qu’il avait présidé.

Exemples :

Un vice-président national d’un Parti socialiste menacé sur sa gauche qui décide de ne jamais s’associer au MR dans les grandes villes qui est aussi tête de liste liégeoise d’un Parti socialiste menacé sur sa gauche qui décide de s’associer au MR dans une grande ville, la sienne, ancien bastion révolutionnaire, et dans une grande province, la sienne, siège d’intercommunales.

Le plus généralement, les politiques liégeois, autocentrés depuis mille ans, n’ont rien à kicker de ce qui se passe en dehors de chez eux.

Une présidente libérale du Sénat de Belgique qui ne sera jamais ministre libérale qui décide de devenir échevine libérale et qui dit que c’est parce qu’elle a bien pris soin de ne dire à personne qu’elle était libérale car sinon elle serait toujours libérale mais ne serait jamais devenue échevine.

Un parti communiste qui échange des insultes partout avec les socialistes tout en faisant semblant d’envisager de monter dans des majorités avec eux qui ne fait même pas semblant d’envisager de monter dans la majorité liégeoise avec les socialistes tout en n’échangeant aucune insulte avec eux.

Des écologistes qui ont composé une liste de verts à gauche qui n’ont pas voulu négocier avec un élu vert à gauche et pas non plus avec neuf élus du parti communiste qui se révoltent parce que les socialistes ne veulent pas d’une majorité progressiste qui n’aurait tenu qu’à un seul siège avec eux.

Et un parti centriste et humaniste qui fait une campagne sur la bienveillance et la rigueur morale, qui avait sept sièges en 2012, qui en garde trois en 2018 et qui dit que sans ces trois-là dans la majorité, Liège sera dirigée par une coalition de perdants.

Car le plus généralement, les politiques liégeois, autocentrés depuis mille ans, n’ont rien à kicker de ce qui se passe en dehors de chez eux. Ils suivent leur logique à eux, et tant pis pour ces étrangers d’Anvers, de Bruxelles, de Charleroi ou d’ailleurs qui, de toute façon, n’ont rien d’autre à en faire que de fermer leur gueule.

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