Gérald Papy

L’heure de vérité pour Bart De Wever

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La voici enfin, cette élection qui a suscité tant d’attentes et tant de fantasmes. Le voici ce scrutin qui, parce qu’il est triple (avec un enjeu européen majeur même s’il est négligé), parce qu’il ouvre une période inusitée de cinq ans sans échéance électorale et parce qu’il succède à un exercice qui a plongé le pays dans une crise de 541 jours, a reçu le titre présomptueux de « Mère de toutes les élections »…

La campagne aura pourtant été de facture classique jusque dans ses couacs qui plombent l’action d’un parti (le survol des avions à Bruxelles) et jusque dans ses impondérables à l’impact incertain (la disparition de Jean-Luc Dehaene). Seul le duel hargneux, limite haineux, entre Bart De Wever, pour la N-VA, et Paul Magnette, au nom du PS, a détonné avec la courtoisie généralement affichée.

Au terme de ce long round d’observation, deux logiques opposées se dégagent. La N-VA est prête à donner la priorité à un gouvernement fédéral socio-économique – et donc à remiser provisoirement son agenda institutionnel – mais à condition qu’il soit clairement de droite et débarrassé de l’emprise du PS. Aisément concevable en Flandre autour d’un axe N-VA/CD&V/Open VLD à l’exécutif flamand, la formule est improbable dans une francophonie orientée à gauche, sauf à considérer que MR et CDH se lanceraient dans l’aventure d’un gouvernement minoritaire au sein du collège francophone.

A cela s’oppose la deuxième logique que la campagne a mise en exergue. Tous les partis francophones traditionnels ont exprimé la volonté de privilégier une coalition sans les nationalistes flamands (avec une détermination suffisamment lâche tout de même pour ne pas hypothéquer complètement l’avenir). Mais si tant est qu’elle soit possible mathématiquement, une alternative au fédéral fondée sur le CD&V, le SP.A et l’Open VLD le serait-elle stratégiquement ? Priver de pouvoir, pour la seconde fois consécutive, le principal parti de Flandre, qui plus est faisant profil bas sur le communautaire, pourrait légitimement être perçu comme un camouflet à la démocratie et… gonfler un peu plus encore les rangs des nationalistes.

Des résultats de la N-VA et du CD&V, qui, face à son intraitable rival, s’est profilé en cette fin de campagne comme un « parti de solutions », dépendra la faisabilité de ces deux scénarios. Hors ceux-ci, il faudra bien que N-VA et PS se parlent et s’entendent. L’enquête que nous publions sur le nouveau visage de cette Flandre décomplexée (lire en page 20), que la N-VA symbolise au premier chef, augure mal des convergences qu’une négociation avec les formations francophones pourrait faire naître. Pour Bart De Wever sonnera l’heure de vérité. L’après-25 mai dira si le maître d’Anvers consent à mettre en oeuvre cette « démocratie de concertation » dont le décès de Jean-Luc Dehaene a remémoré l’importance dans l’histoire de la Belgique. Si ce n’est par conviction, au moins Bart De Wever pourrait-il l’exercer par intérêt bien pensé. Car s’il y a bien une volonté partagée par les Flamands et les francophones (outre les ambitions projetées sur les Diables Rouges), c’est celle d’éviter une crise politique durable qui, au regard de la précarité persistante de l’Europe, pénaliserait l’économie belge, et donc flamande. Parce qu’elles représentent par excellence pour un pays comme la Belgique un moment cathartique, les élections de dimanche s’annoncent donc passionnantes.

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