Pascal De Sutter

L’Europe a besoin d’une révolution

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

Les élections européennes ont lieu dans un an. De nombreux partis anti-européens feront campagne pour détruire par l’intérieur l’Union européenne et revenir aux frontières et Etats-nations. Souhait partagé par une frange de plus en plus importante de la population.

Ce serait à mes yeux une catastrophe. Et pourtant, il m’est très difficile de défendre l’UE, véritable usine à gaz aussi dure et impitoyable avec les Européens pauvres qu’elle est faible et mollassonne face aux lobbies des multinationales.

L’Union européenne, c’est un bric-à-brac d’institutions, de commissions et de sous-commissions dont personne ne comprend le fonctionnement exact ou l’utilité précise. L’UE, ce sont des quotas, des contraintes, des lois et des règlements si complexes et astreignants qu’ils semblent avoir été conçus par des Chinois pour détruire notre compétitivité économique. L’UE est un filtre fin et sévère quand il s’agit de lancer une initiative européenne et une passoire laxiste en ce qui concerne l’immigration ou la protection de nos intérêts économiques. Et qui est vraiment le patron ? Est-ce le président du Conseil européen ? Est-ce la présidente du Conseil (de l’Union), des Affaires générales et Relations extérieures ? Ou le président de la Commission européenne ? On ne sait même pas sur quels critères ils sont choisis. Sauf à sélectionner les personnalités les plus conciliantes, les plus accommodantes, les plus insipides, inodores et incolores possibles. Et si, à la tête de l’UE, arrivait une personnalité forte et charismatique, son absence de pouvoir réel le ridiculiserait face aux vrais puissants de ce monde : l’Europe s’est humiliée sur tous les dossiers graves qui ont bouleversé le monde ces trente dernières années.

Or l’Union européenne est une invention merveilleuse qui a préservé la paix, développé la prospérité, la justice sociale ainsi que les droit des hommes et des femmes. Et elle est la seule issue pour garder une chance de maintenir notre niveau de vie face à l’impitoyable concurrence des grandes puissances économiques. Mais l’UE a besoin de révolutionner son mode de fonctionnement. Il faudrait élire au suffrage universel direct un vrai président européen doté de pouvoirs forts. Réduire drastiquement les salaires et divers avantages des fonctionnaires européens dont les privilèges (en temps de crise) scandalisent les citoyens et alimentent l’europhobie. Il devrait être possible d’expulser les pays membres qui refusent systématiquement de jouer le jeu et visent exclusivement leurs intérêts propres. Une puissante armée européenne devrait être créée avec un uniforme, du matériel et des objectifs communs. Elle serait associée à l’Otan, mais le gouvernement européen pourrait l’utili- ser à sa guise sans demander la permission à Washington. Enfin, une large autonomie serait offerte à l’Europe des régions. Les limites de ces régions ne seraient pas arbitrairement tracées (comme ce fut le cas des Etats dans le passé) mais décidées par consul-tation des populations.

Ainsi, pour la première fois dans l’Histoire, ce seraient les peuples qui choisiraient avec qui ils se sentent proches et veulent partager un art de vie commun. L’Union européenne laisserait à chaque région sa manière de vivre, mais offrirait une unité forte au niveau international. Cela semble un rêve utopique ? Je crois que non. L’exemple de l’Airbus européen qui a réussi à dépasser le géant Boeing ou le succès du projet universitaire Bologne (1) montrent qu’en Europe nous sommes encore capables de réaliser des rêves extraordinaires. Mais personne ne vous oblige à penser comme moi…

(1) Le travail d’équivalence des diplômes permettant aux jeunes de plus facilement étudier et travailler à travers toute l’Europe.

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