Marie Laoureux

Lettre ouverte d’une universitaire au chômage

Marie Laoureux Diplômée en Sciences politiques et Relations internationales

Voltaire disait  » Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin « . Aujourd’hui cette phrase semble prendre tout son sens pour beaucoup d’entre nous. Nous, les jeunes diplômés qui avons, au bout de cinq longues, laborieuses et coûteuses années, fini par décrocher le diplôme, le Graal, avec mention « distinction » ou « grande distinction ». Nous qui avons rêvé d’un boulot utile, d’un salaire correct et des projets qui vont avec.

Après s’être inscrits au FOREM, avoir rendu des comptes à l’ONEM et vu une quantité de conseillers, nous commençons à douter : douter de nous, de nos capacités, de notre manière de fonctionner, des études que nous avons choisies. Même si notre vocation était d’aider les autres, de comprendre notre société, de vouloir contribuer à la recherche scientifique, nous comprenons à présent que la société n’a pas besoin de nous dans ces domaines. Elle a besoin d’informaticiens, d’agents immobiliers, d’infirmiers, de mécaniciens ou d’enseignants en langues étrangères. Malheureusement pour nous, ce n’est pas ce que nous aimons et au bout de cinq ans, nous pensons alors avoir perdu notre temps ainsi que notre argent. Nous doutons beaucoup, mais malgré tout, nous tentons de ne pas perdre de vue nos objectifs et nos idéaux.

C’est dans cette optique que beaucoup d’entre nous acceptent de faire des stages non rémunérés où il faut même parfois débourser de l’argent. Aujourd’hui, les bourses de stages se font rares et obtenir ses allocations d’insertion (425 euros par mois) n’est possible que pour les moins de 25 ans.

Nous sommes prêts aussi à nous remettre en questions, à nous réorienter, mais là aussi, nous rencontrons deux problèmes majeurs. Tout d’abord, les formations privées sont coûteuses. Comment trouver, à 25 ans, les ressources financières pour entreprendre ces formations alors que nous avons tout misé sur notre diplôme universitaire ? Ensuite, les formations proposées par le FOREM et la Wallonie pour les diplômés sont limitées. Il existe certes tout un panel de formations variées, mais qui est clairement mis en place pour aider les jeunes (ou moins jeunes) sans diplôme ou ayant obtenu le CESS. Qu’en est-il des autres ? N’avons-nous d’autre choix que de faire une formation où notre diplôme universitaire n’aura plus de valeur ? Pourtant, nous sommes prêts aussi à postuler à des offres ne nécessitant « qu’un » diplôme de bachelier et à en accepter les conditions, mais là aussi les réponses négatives s’enchaînent. Pourquoi ? Est-ce le manque d’expérience et de pratique par rapport à nos collègues qui sortent des Hautes Écoles ?

Je me sens comme beaucoup d’autres jeunes diplômés : mes rêves sont brisés et je me rapproche dangereusement de l’ennui, du vice et du besoin.

Comment changer cette spirale négative ? En sortant de l’université avec un master en poche, certains d’entre nous, faute d’appuis financiers et qui ne peuvent se permettre d’attendre un an avant d’avoir des allocations ou ont simplement plus de 25 ans, sont obligés de se tourner vers le CPAS pour survivre. Est-ce cela la démocratisation de l’éducation ? Trahir les plus pauvres à investir dans des études pour ne rien recevoir en échange ? Nous sommes coincés dans cet espace où nous ne sommes plus des étudiants, mais nous ne pouvons pas devenir des adultes responsables, pouvant fonder une famille et avoir des projets. Nous sommes obligés de devenir des « Tanguy », des assistés, des déçus.

Nous doutons beaucoup de nous, mais nous doutons aussi de vous, les décideurs politiques. Nous comprenons bien sûr, les temps sont difficiles et il n’est pas évident de s’insérer sur un marché de l’emploi en crise où les secteurs sociaux et non marchands sont bouchés, où les financements sont limités, où l’âge des pensions doit être reculé. Mais pourquoi les aides à l’emploi des jeunes sont-elles davantage revues à la baisse ? Ne craignez donc-vous pas que de jeunes talents finissent par se résigner ? Comment peut-on encore oser tenter notre chance quand on plus de 25 ans et aucune aide ? Doit-on compter sur nos parents qui nous ont déjà tant aidés pour financer nos études ? Comment vit-on avec 425 euros d’allocation d’insertion par mois ?

Ce sont toutes ces questions que je me pose à l’heure actuelle, car aujourd’hui je le sais, c’est un long chemin de croix après le beau diplôme. Il faut garder la motivation, avoir confiance en soi, accepter les contrats à la semaine dans des secteurs différents et espérer un jour que ça débouche sur un emploi, qu’on aimera… ou pas.

Aujourd’hui, je me sens comme beaucoup d’autres jeunes diplômés : mes rêves sont brisés et je me rapproche dangereusement de l’ennui, du vice et du besoin.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire