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L’éthique en pleine pandémie de Covid, un enjeu non négligeable

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Cette année 2020-2021 marquée par la crise du covid a mis en exergue l’émergence de nouveaux enjeux éthiques dans le domaine médical et la gestion de la pandémie. Le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB) a réalisé un travail de longue haleine.

Depuis 25 ans maintenant, le Comité consultatif de bioéthique de Belgique (CCB) est régulièrement consulté sur les problèmes éthiques dans le monde médical. Ses missions? « Rendre des avis sur les problèmes soulevés par la recherche et ses applications dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé » et « informer le public ainsi que les autorités sur ces problèmes ».

Cette année 2020 marquée par la crise sanitaire a montré que les défis à relever en matière d’équilibre entre santé et vie sociale sont complexes mais néanmoins essentiels. La gestion de la crise a soulevé de nombreux problèmes d’éthique, tant dans les hôpitaux que les maisons de repos et de soins. Le Comité a réalisé un travail de longue haleine pour tenter d’apporter des avis et conseils afin de parvenir à trouver le juste milieu entre le respect des règles de sécurité et la satisfaction des besoins économiques et sociaux de la population.

De nouveaux enjeux en pleine pandémie

Depuis le début de la pandémie, le monde politique et le réseau hospitalier se sont rapidement tournés vers le Comité afin de lui demander de se positionner sur des sujets et problématiques importants soulevés durant la première vague. Notamment la question de la gestion de la crise dans les maisons de repos et de soins, mais également l’organisation des hôpitaux pour assurer la prise en charge dans le cas où la Belgique serait en pénurie de lits dans les unités de soins intensifs.

« Suite au second pic de fin octobre/début novembre, le réseau hospitalier liégeois nous a demandé d’examiner le protocole des hôpitaux afin de s’assurer qu’aucune question éthique n’avait été « oubliée « , explique Florence Caeymaex, présidente du CCB. « Car les réponses à des situations de pénurie ne sont jamais uniquement médicales, mais également éthiques.  »

Le Comité a déjà donné son avis sur certaines questions importantes, notamment un avis sur les repères éthiques en vue du déploiement de la vaccination au bénéfice de la population belge (12 décembre 2020), et l’élaboration d’un certain nombre de recommandations sur la priorisation dans les soins (21 décembre 2020), c’est-à-dire la gestion de la prise en charge en cas de pénurie, et comment anticiper une situation de pénurie.

La question du certificat d’immunité

D’autres questions sont néanmoins encore à l’ordre du jour au sein du Comité. La question du développement d’un certificat d’immunité afin de rouvrir la vie sociale prend de l’ampleur en Europe. C’est pourquoi le Comité publiera mi-mai un avis sur les repères éthiques dans le cadre de la mise en place d’un système de certificat sanitaire. Le comité d’éthique du conseil de l’Europe (DH-BIO) travaille également sur cette question.

« On constate aujourd’hui que pour protéger la population, c’est-à-dire aussi garantir que les hôpitaux restent accessibles, beaucoup de mesures ont été adoptées – des mesures non pharmaceutiques, parmi lesquels la distanciation sociale. Mais pour résoudre ce problème, les efforts se sont rapidement concentrés sur la vaccination, c’est-à-dire la création d’une immunité qui devrait devenir collective. C’est un plan de grande ampleur qui n’a jamais été réalisé jusqu’ici, les bénéfices d’une couverture vaccinale ne sont donc pas encore d’actualité « , explique la présidente du CCB. « Doit-on maintenir des mesures contraignantes en attendant la vaccination totale ? Pourquoi empêcher les personnes vaccinées d’avoir accès à certaines activités collectives ? Certains pays ont estimé qu’il était nécessaire de penser à des mesures qui permettent de garder un haut niveau de sécurité tout en respectant la vie sociale. C’est là le but de notre recherche : il faut parvenir à trouver un équilibre entre la santé physique et mentale. « 

Or, avant de songer à l’instauration d’un certificat sanitaire, il faut attendre un taux de vaccination raisonnable, nous explique Paul Cosyns, vice-président du Comité. «  L’un des principes éthiques est le principe de l’égalité. Si tout le monde n’a pas eu l’opportunité d’être vacciné, il n’est pas juste de faire la distinction entre les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas. Il faut avoir de la solidarité. Il est donc nécessaire d’attendre un taux de minimum 70 voire 80 % de Belges vaccinés [avant d’instaurer ce potentiel système de certificat]« .

La situation dans les maisons de repos

Autre question à l’ordre du jour : la gestion de la crise dans les maisons de repos et de soins. Lors de la première vague du covid et du confinement qui en a résulté, la situation jugée « dramatique » dans les maisons de repos a fait beaucoup de bruits. Aujourd’hui encore, beaucoup déplorent la « mauvaise gestion » ou les « mauvaises décisions » prises par les autorités.

« Beaucoup d’inquiétudes ont été exprimées concernant le sors réservé aux personnes âgées, le sous-équipement des maisons de retraite, la séquestration des personnes âgées dans des maisons dont elles ne pouvaient pas sortir, l’interdiction des visites, le manque de médecins sur place et la difficulté d’accès aux services hospitaliers », énumère la présidente du Comité Florence Caeymaex.

Il était dès lors nécessaire d’étudier ces questions sous l’angle éthique. « Notre contribution repose en bonne part sur les témoignages des acteurs de terrains : des directeurs de maisons de repos, des représentants des associations de personnes âgées, des experts du secteur, des soignants dans ce milieu… C’était important car une vue construite uniquement à partir de chiffres et de données ne peut pas traduire l’expérience vécue. Et nous savons que c’est en partie un problème logistique et d’organisation, mais c’est aussi un problème d’expérience vécue. Selon les endroits, les situations ont été très différentes. »

Pour le Comité, il est nécessaire de tirer des enseignements de cette histoire et de partager les expériences vécues, afin d’éviter une telle situation à l’avenir. L’enjeu : qu’est-ce qui peut rendre la maison de repos plus robuste, de manière à en faire un lieu d’accueil et de sécurité dans des circonstances telles que la pandémie ?

25 ans du Comité : un webinaire consacré à l’autonomie

À l’occasion de son 25e anniversaire, le CCB organise le 28 et 29 avril un webinaire consacré au sujet de l’autonomie dans le milieu médical et les possibilités que l’alliance des savoirs avec les sciences humaines peut offrir à la réflexion éthique. « On veut marquer un temps d’arrêt sur une notion qui est la colonne vertébrale de la bioéthique moderne« , explique la présidente du Comité.

Colonne vertébrale, pourquoi ? Il faut savoir que les grands principes de la recherche médicale et éthique montrent que le consentement éclairé (un consentement qui est informé, et non acheté) est fondamental. C’est un principe de base mentionné lors du procès de Nuremberg, durant lequel ont été jugés les médecins nazis ayant procédé à des expérimentations extrêmement violentes sur des personnes captives.

« Ce principe de consentement s’est approfondi au point de toucher aussi à la liberté profonde des personnes qui apparaît dans toutes les lois qui protègent les patients en Europe ». Le droit de savoir, de ne pas savoir, de décider pour soi-même… Ce sont des dispositifs issus de ce consentement éclairé qui ont cherché à rétablir le rapport le plus symétrique possible entre le médecin et le patient.

Cette notion d’autonomie, ce n’est pas seulement prendre des décisions pour soi-même, mais c’est aussi être capable de participer à la vie sociale, ajoute Florence Caeymaex. « L’autonomie est donc un enjeu sur le terrain de la relation de soins, mais aussi sur le terrain de la société. C’est donc un défi particulier dans le domaine du soin, car on a particulièrement besoin de l’aide d’autrui. On en est même dépendant. La question est donc de construire une bonne manière d’apporter de l’aide qui donne des capacités à une personne plutôt que de la rendre dépendante.« 

Le but du webinaire est d’intégrer les sciences humaines et sociales à cette notion fondamentale, de montrer l’importance de la contribution des sciences humaines et sociales en santé dans la réflexion éthique. Il s’agirait donc de mettre en lumière ce qui est déjà utilisé dans la vie de tous les jours depuis longtemps, en interrogeant des sociologues, des anthropologues chargés d’enquêter sur le terrain.

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