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Les saints jouent les stars

Pas de répit pour les saints de nos régions cette année : Waudru fête son 14e centenaire, Vincent a convié ses « confrères » au 750e anniversaire de son « Grand Tour », Feuillen se prépare pour sa Marche septennale… Enquête sur un phénomène de société.

Forum de Midi

Réagissez à notre dossier, ce lundi 11 juin, de 12 à 13 heures, sur la Première, consacré à la popularité des saints « belges ». Olivier Rogeau, auteur du dossier, y est l’un des hôtes de Fabienne Vande Meerssche.

Les saints de Wallonie ont droit à tous les honneurs cette année. A Mons, on fête le 14e centenaire de la naissance de Waudru, patronne de la ville. Point d’orgue de ces réjouissances : le dimanche de la Trinité, avec la redoutable montée du Car d’or, saluée par une foule en liesse, précédée, la veille, par la descente solennelle de la châsse de la sainte. Mais les Montois sont aussi de plus en plus nombreux à s’intéresser au personnage historique de Waudru, cette aristocrate mérovingienne devenue figure de légende. Les conférences qui lui sont consacrées depuis janvier ont fait salle comble. Par ailleurs, le mois dernier, un spectacle mettant en scène 140 jeunes issus des écoles libres de la ville a mêlé la danse et le théâtre pour évoquer la vie de Waudru et raconter la construction de la collégiale.

Grosse ambiance également à Soignies, qui célèbre, en 2012, le 750e anniversaire du Tour Saint-Vincent. Le 28 mai, comme chaque lundi de Pentecôte, plus d’un millier de pèlerins ont accompagné, sur une douzaine de kilomètres, les reliques de Vincent, saint patron de la cité. Massés dans les rues et dans l’imposante collégiale romane, quelque 3 500 Sonégiens et visiteurs ont ensuite accueilli la procession historique, qui prend le relais du « Grand Tour » pour ramener les reliques en ville. A ces tableaux vivants qui évoquent la vie du dignitaire franc se sont joints, cette année, les châsses et reliquaires de nombreux saints hennuyers et brabançons : sainte Waudru, saint Ghislain, sainte Gertrude, saint Landry, saint Feuillen… Une véritable « communauté des saints » pour faire la fête à Vincent, la star du jour !

Waudru, sainte hors du commun

A Mons, le prestige de sainte Waudru est un véritable phénomène de société, qui touche tous les citoyens, y compris les moins concernés par la foi. Crises politiques ou pas, Elio Di Rupo ne manquerait pour rien au monde la fête fondatrice de sa ville, grand-messe un peu folle dont il est l’un des acteurs omniprésents. « Pour tous les Montois, Waudru est un lien privilégié avec les générations passées, avec l’essence même de la cité, et, pour les croyants, elle reste aussi un trait d’union entre la terre et le Ciel », remarque François De Vriendt, de la Société des bollandistes, ce groupe de savants chargés d’étudier, depuis le xviie siècle, la vie et le culte des saints chrétiens. « Mons a une patronne remarquable par son ancienneté et son rang, mais aussi attachante par son humanité », poursuit le bollandiste. « Le bon Dieu est montois », prétend le dicton. Il n’est pas surprenant qu’il ait doté la cité du Doudou d’une sainte d’exception !

Porté et accompagné par la population dans une grande proximité physique, saint Vincent est toujours considéré, lui aussi, comme l’intercesseur et le protecteur privilégié des habitants de la cité dont il est patron. Sept cent cinquante ans après sa création, le Tour de Soignies a conservé sa capacité de mobilisation. « Cette démarche collective et chantante, où le corps prie autant que le c£ur, s’accomplit à un rythme vigoureux, très différent de celui des cortèges habituels », explique Jacques Deveseleer, conservateur de la collégiale Saint-Vincent et du musée du Chapitre (ce musée présente, jusqu’au 9 septembre, deux expositions consacrées au Grand Tour) et coauteur d’un ouvrage richement illustré consacré à la procession, sorti ces jours-ci (1).

Un Tour sans artifice

Le Tour Saint-Vincent est dépourvu de tout artifice : pas de costumes, pas de défilé militaire, pas de statues, pas de jeux scéniques. « Cette sobriété vise à éviter les risques de folklorisation, assure Deveseleer. La part religieuse solennise l’événement, tandis que la part profane réside dans un désir de partage, de cohésion festive. Le culte des reliques est, bien entendu, devenu un aspect secondaire pour la foule. Ce type de manifestation s’enracine toutefois dans un fonds de culture populaire, point de contact entre un noyau de communauté chrétienne et une multitude de personnes plus ou moins éloignées de l’Eglise. » Les grandes processions ont cessé de jouer un rôle majeur dans l’organisation du temps social. Elles répondent néanmoins au goût avéré du public pour les marches, les pèlerinages. « Les jeunes, qui semblaient naguère se désintéresser du  »Grand Tour », sont aujourd’hui bien présents au sein de la confrérie Saint-Vincent, signale le conservateur. Notre crainte ? La suppression du lundi de Pentecôte en tant que jour férié ! »

Le même jour se déroule, à Gerpinnes, le « grand pèlerinage » à sainte Rolende, long de trente-cinq kilomètres. Pèlerins, membres du clergé et près de 3 000 marcheurs équipés d’uniformes des premier et second Empires perpétuent la tradition. Le culte de la sainte conditionne la vie locale et le Tour est un repère chronologique : la population y fait référence pour situer les faits heureux ou malheureux de l’année. Le dimanche suivant, Saintes prend la relève, avec son Tour sainte Renelde, procession composée de près de 200 cavaliers. Le cortège entreprend un périple de vingt-huit kilomètres jusqu’aux limites des communes voisines, avant de retourner au village et d’escorter les reliques de la sainte déposées sur un char. Selon la légende, Renelde, martyrisée vers 680, était la s£ur de sainte Gudule, la patronne de Bruxelles.

Le 10 juin, la 350e procession saint Médard, attestée depuis 1662, animera Rouveroy, au sud de Mons. Le 30 septembre prochain, Fosses-la-Ville attirera la grande foule avec sa Marche saint Feuillen, organisée tous les sept ans. Manifestation religieuse et folklorique, c’est sans doute la plus populaire des marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Le même jour, la population de Nivelles se retrouvera autour de la châsse de sainte Gertrude, pour une procession urbaine mentionnée depuis 1276. Elle évolue au rythme de psaumes et d’hymnes locaux anciens. Novembre sera le mois des festivités de la saint Hubert (cortège, grand-messe, rallye équestre à Saint-Hubert), patron des chasseurs depuis le ixe siècle. Il faudrait aussi mentionner, dans nos régions, les fêtes septennales de saint Remacle, à Stavelot, ou encore la Marche à bâton au Mont-Saint Aubert, près de Tournai, et tant d’autres Tours et processions restés bien vivants.

Olivier Rogeau

(1) Le Grand Tour, Saint-Vincent à Soignies. Aujourd’hui depuis 750 ans, Les Cahiers du Chapitre 12.

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