Si Charleroi pleure, Liège rit. Son aéroport se classe désormais sixième dans le ranking du cargo européen. © belga image

Les quatre futurs possibles des aéroports wallons

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Jean-Luc Guyot, directeur à l’IWEPS, co-auteur en janvier 2022 avec Julien Juprelle d’une première étude prospective sur le transport aérien de passagers en Wallonie, a identifié quatre futurs possibles: entre le maintien d’un  « ciel sans limite », les affres  » des trous d’air et de la chute libre » ou la bifurcation radicale vers « un nouveau plan de vol » à inventer, la piste de l’éco-responsabilité imposée paraît la plus soutenable.

L’Iweps se penche sur les lendemains possibles du transport aérien de personnes en Wallonie à l’horizon 2050: faut-il y voir une prise de conscience que le temps est venu de se poser des questions existentielles?

Cette étude est une démarche autoportée par l’Iweps, motivée par l’impact violent de la pandémie de Covid sur le transport aérien de personnes. Il s’agissait d’une première approche prospective et non conclusive qui ouvre une réflexion bien plus qu’elle ne la ferme. Ce travail «en chambre», qui n’envisage pas le transport de fret, doit être pris comme une invitation à de plus amples investigations. Le ministre Philippe Henry, dans sa mise à jour du plan Air Climat Energie 2030, propose d’ailleurs de charger l’Iweps d’approfondir et d’élargir cette première recherche.

N’est-il pas étonnant qu’un travail prospectif en profondeur fasse encore défaut alors que l’urgence climatique est sur presque toutes les lèvres?

Pas vraiment lorsqu’on sait que les travaux prospectifs font encore peu partie de l’arsenal des outils d’aide à la décision en Belgique, même si la Wallonie s’est dotée d’un Institut de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, l’Iweps, sans équivalent à l’échelon fédéral. Je ne suis donc pas étonné d’y avoir constaté l’absence d’étude sur la thématique de l’articulation entre le transport aérien et la lutte contre le réchauffement climatique, en dépit de son urgence grandissante.

Dans l’état de vos constats, à quoi les aéroports wallons doivent-ils donc s’attendre? A un vrai saut dans l’inconnu?

Il ne s’agit pas pour nous de livrer un éclairage sur ce qui se passera mais de construire des futurs possibles, en l’occurrence pour le transport aérien de personnes. Nous avons retenu quatre scénarios d’évolution. Celui du ciel sans limite avec poursuite de la croissance sans modification, scénario qui ne paraît pas compatible avec la rencontre d’objectifs climatiques alors que la technologie, à moyen terme, n’arrivera pas à fournir des solutions complètes au secteur aérien ; le scénario des trous d’air et de la chute libre, soit le déclin et l’effondrement du secteur, qui n’est pas à évacuer à la lumière d’une évolution géopolitique et de la crise énergétique ; celui d’un nouveau plan de vol qui s’accompagnerait d’une rupture totale vers un nouveau paradigme, mais difficilement imaginable car il supposerait un redéploiement technologique hors de portée à l’horizon 2050, pensons à l’Hyperloop (NDLR: projet de déplacement à très grande vitesse par capsules sur coussins d’air imaginé par Elon Musk) ; le scénario du transport aérien contraint à l’écoresponsabilité, soumis à une logique de retenue et de discipline, et qui pourrait concilier survie du secteur et intégration d’impératifs économiques, environnementaux et défi du déplacement.

En portant sur le volume de la demande, ce type de question posera celle de l’adaptation de l’offre à un marché en contraction.

Suggérer, comme le fait le ministre du Climat, Philippe Henry, d’inscrire les aéroports wallons dans une logique de décroissance, est-ce pencher pour l’écoresponsabilité contrainte?

La piste s’inscrit dans cette approche, d’ailleurs prônée à l’étranger, qui est de ne pas laisser tomber l’avion mais de construire un nouveau rapport au transport aérien par une rationalisation de son usage.

Ce qui passera par une rationalisation des aéroports?

En portant sur le volume de la demande, ce type de question posera celle de l’adaptation de l’offre à un marché en contraction.

En quoi la prospective peut-elle aider à changer de logiciel?

Sa richesse est de déconstruire les problèmes pour faire en sorte de les poser autrement. Face au défi climatique, n’est-on pas déjà acculé à une situation que l’on aurait peut-être pu éviter par un travail d’anticipation? La «dépendance au sentier» est un concept bien connu en science politique pour exprimer la difficulté à enlever ses œillères afin de réfléchir de manière plus innovante.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire