Elio Di Rupo a pointé «le boulet» que constituent les procédures administratives de marchés publics. Il plaide pour une levée des contraintes en cas de nouvelle catastrophe naturelle. © belga image

Les politiques ont-ils tiré les leçons des inondations? « Si chacun fait ce qu’il dit, ça ira »

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les inondations de juilllet 2021 ont provoqué une prise de conscience chez les politiques. Mais le problème n’est pas tant ce sursaut que la durée de mise en œuvre des améliorations à apporter. Si de nouvelles inondations devaient avoir lieu, la gestion serait déjà enrichie des enseignements de 2021, inidique-t-on cependant.

On le dit à tous les niveaux : on a tiré les leçons, il faut s’adapter à ces risques nouveaux, les chantiers sont lancés. Les inondations de juillet 2021 ont brutalement fait irruption dans la vie des autorités politiques aussi. Désormais, il faut vivre avec l’idée que de telles catastrophes naturelles peuvent encore survenir. Que la prochaine fois, il faudra mieux anticiper, mieux se coordonner, mieux gérer.

C’est la Région wallonne qui s’est lancée dans le processus d’auto-évaluation le plus poussé, avec une commission d’enquête initiée dès septembre au parlement et ayant donné lieu à 161 recommandations sur les prévisions et alertes, la gestion de crise, les barrages, la gestion des cours d’eau, l’aménagement du territoire, etc. Le fédéral a opté pour une plus modeste «commission d’apprentissage» dont les résultats sont encore attendus, comme ceux d’un rapport d’évaluation de la réforme de la protection civile orchestrée sous le gouvernement Michel.

On y arrivera par la conjonction de plusieurs éléments: meilleure anticipation, meilleur fonctionnement en matière de sauvetage et de sécurité civile, aménagement du territoire plus performant, gestion des barrages plus efficace.

Daniel Bacquelaine

Critiqué dès les premières heures du drame, le gouverneur de la province de Liège, Hervé Jamar, annonce lui aussi en avoir retenu les enseignements nécessaires et mis en place des plans d’action, un plan «inondations» d’urgence et d’intervention, des améliorations dans la communication. Par ailleurs, un nouveau centre de crise provincial a vu le jour.

Tous les interlocuteurs politiques le disent: les événements de juillet furent extrêmes, et chaque catastrophe de ce type est forcément inédite. S’ils devaient se répéter, il s’agirait surtout d’en limiter l’impact. Et lorsqu’on parle de prévention ou d’aménagement du territoire, l’ampleur des tâches à effectuer et les délais pour les mettre en œuvre contrastent avec le caractère impérieux d’une gestion de crise. L’articulation entre l’urgence et le temps long est complexe.

Cette observation était formulée, le 5 juillet dernier, avec un certain agacement par le ministre-président wallon Elio Di Rupo (PS). A l’heure de dresser avec son gouvernement un bilan des actions menées, il pointe «le boulet» que constituent les procédures administratives de marchés publics. Et plaide pour une levée des contraintes en cas de nouvelle catastrophe naturelle, qui permettrait au gouvernement d’agir avec davantage de célérité. Des pouvoirs spéciaux, en quelque sorte.

Il n’empêche, assure-t-on au gouvernement wallon, qu’une nouvelle catastrophe donnerait lieu à une gestion d’ores et déjà enrichie des apprentissages de 2021. «Il y a eu une prise de conscience à tous les étages», insiste le ministre wallon des Infrastructures, Philippe Henry (Ecolo). Concrètement, une meilleure circulation de l’information s’opérerait, plusieurs mesures ont été instaurées au niveau des barrages, etc.

Dans les communes touchées, on reconnaît cette prise de conscience. Les autorités locales, par exemple, seront désormais alertées plus vite lors de fortes précipitations. «C’est la politique de la patate chaude», ironise un bourgmestre. «Là, on va à la limite un peu trop loin», glisse un autre. «Moi, je préfère être informé une fois de trop. En juillet 2021, on ne savait rien», rétorque un troisième.

Selon plusieurs maïeurs, c’est à l’usage qu’on jaugera les améliorations. «Les mesures seront-elles efficaces? Si chacun fait ce qu’il a dit, ça ira. Ce qui fonctionnera sans doute, c’est l’addition de toutes les mesures. Mais c’est pour quand? On en a pour des années. Si une catastrophe arrive la semaine prochaine, ce sera le bazar», considère Fabien Beltran, bourgmestre de Trooz.

« Les politiques wallons ont apporté une réponse à la hauteur de la gravité des inondations »

A Pepinster, Philippe Godin reconnaît que «la malheureuse expérience de juillet 2021, nécessairement, fait que certaines décisions seraient différentes aujourd’hui». Lui estime que le gouvernement wallon, en particulier, a fourni des réponses à la hauteur de la gravité de la situation. Et constate un coup d’accélérateur appréciable dans la mise en œuvre des mesures. Un bémol, cependant: le manque de prise en compte du problème spécifique à la Hoëgne, dont le confluent avec la Vesdre se situe précisément à Pepinster.

Pour restreindre l’impact de futures inondations, la direction prise est plutôt la bonne, avance également Daniel Bacquelaine, à Chaudfontaine. «On y arrivera par la conjonction de plusieurs éléments: meilleure anticipation, meilleur fonctionnement en matière de sauvetage et de sécurité civile, aménagement du territoire plus performant, gestion des barrages plus efficace», résume le libéral.

A Liège, Willy Demeyer «ne doute pas des travaux de la commission d’enquête». Le socialiste plaide au passage pour un renforcement de l’échelon local. «La Région wallonne n’a pas tous les attributs, institutionnellement parlant, qui lui permettent de gérer une telle crise. Le pouvoir de réquisition, le pouvoir de police, la culture de gestion de crise, c’est chez le gouverneur et à l’échelon local qu’on les trouve», explique-t-il, rappelant à quel point ce sont les élus locaux qui sont en prise avec le terrain lors de telles catastrophes.

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