Les pluies extrêmes: le changement climatique, c’est maintenant

Muriel Lefevre

Les averses extrêmes dans les provinces de Luxembourg, Namur, Liège et du Limbourg ne sont pas une vraie surprise. Elles correspondent même à ce qu’annoncent les modèles prédisant ce qui se passe quand la terre se réchauffe. Ce déluge est donc un des effets très concrets du réchauffement climatique.

Pourquoi pleut-il des cordes depuis quelques jours dans le sud-est de notre pays? La réponse est somme toute assez simple. C’est la faute de ce qu’on appelle un front occlus ou plus simplement une occlusion. Cela se produit quand un front froid, plus rapide, rejoint un front chaud. L’espace atmosphérique situé entre les deux se rétrécit et l’air qui s’y trouve se soulève d’un bloc. Ce phénomène s’accompagne régulièrement d’intenses précipitations puisque l’air qui remonte se refroidit, ce qui condense l’humidité qui se transforme alors en pluie. Celui auquel on est confronté aujourd’hui est provoqué par une masse d’air froide et humide qui vient du nord, soit par la mer du Nord et l’Atlantique Nord et qui s’est retrouvée confrontée avec une masse d’air chaud qui provient de la Méditerranée, mais qui se trouve en ce moment en Allemagne avant de remonter vers l’Europe de l’Est. Or la Belgique se situe juste à la frontière entre les deux et se prend l’occlusion, et ses énormes masses d’air humide, de plein fouet.

Habituellement, de tels fronts pluvieux passent en quelques heures, mais celui qui est au-dessus des provinces de Liège, du Limbourg, du Luxembourg et de Namur, est lui stationnaire parce qu’il est bloqué entre deux anticyclones. « A cause de la dépression qui se situe sur l’Allemagne et l’Europe centrale, il reste stationnaire sur l’est du pays », nous dit David Dehenauw de l’IRM. Ce qui, dans les faits, se traduit par le fait qu’il ne bouge pas beaucoup, et ce depuis des jours. Par conséquent, toute la pluie produite par le front tombe en un seul endroit au lieu de s’étaler d’ouest en est comme il est d’usage dans notre pays.

Si ce phénomène de blocage est assez classique en automne ou en hiver, il est très rare en été. La dernière fois, c’était en août 1996. Toujours selon le météorologue de l’IRM David Dehenauw, c’est seulement la quatrième fois qu’un code rouge est émis pour de fortes précipitations dans notre pays. La dernière fois datant du 7 janvier 2011.

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Un avis partagé par le climatologue de l’UCLouvain Michel Crucifix. « On a déjà vu ce genre de phénomène en Belgique. Un tel blocage est classique, cela arrive tous les ans. Ce qui est moins classique c’est la quantité de pluie. Celui-ci est particulièrement chargé en précipitations. A Munster, en Allemagne, il est ainsi tombé 150 mm en quelques jours. Pour donner un exemple, normalement en Belgique, en 365 jours, il tombe 850 mm. Ils ont donc eu un sixième de la pluie annuelle en moins d’une semaine ».

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Quant au maximum de pluie en 24 heures, on n’est pas encore à un record absolu. Celui-ci reste celui établi à Herbestal en 1953 où il est tombé pas moins de 242 mm en 24h. D’autre pluies très importantes ont été mesurée en 51, 1996 et 1998 et en septembre 2005. Mais, comme le précise encore Dehenauw, il s’agit là des précipitations en 24heures et n’est pas significatif des précipitations sur plusieurs jours et dont les chiffres seront seulement connus d’ici quelques jours.

Le changement climatique, c’est maintenant

Pour ceux qui en doutaient, les conséquences du réchauffement climatique deviennent douloureusement très concrètes, même en Belgique. En effet « ce genre d’évènement hydrométrique extrême est une des conséquences du réchauffement climatique et de l’augmentation des températures », nous dit encore le climatologue Michel Crucifix. « Les pluies particulièrement abondantes des derniers jours s’explique par le fait qu’un air plus chaud contient plus de vapeur d’eau. Il y a un siècle un même front pluvieux n’aurait pas causé autant de précipitations. Ceci, comme les chaleurs extrêmes qui régnaient au Canada ces dernières semaines, sont donc une des conséquences directes de ce réchauffement. »

De tels évènements vont donc plus que probablement se reproduire à l’avenir, voire peut-être encore s’intensifier. Selon Deboosere, le monsieur météo flamand, on doit s’attendre à de similaires périodes de précipitations extrêmes en Belgique tous les cinq ans environ. Michel Crucifix est pour sa part loin d’être aussi catégorique. « ll est très difficile de prédire une fréquence. On sait que les phénomènes hydrologiques extrêmes seront plus fréquents, mais il est presque impossible de dire à quel rythme. On constate qu’on arrive plutôt bien à établir une tendance moyenne, mais prédire des évènements extrêmes est beaucoup plus compliqué. A un moment, il y a eu ce qu’on a appelé une cyclomania en climatologie, mais on en revient. Il existera toujours une variabilité naturelle. Il y aura toujours des été plus pluvieux. Ce qui est plus inquiétant, c’est la multiplication des évènements extrêmes. Rien que cette année il y a eu le froid extrême dans la région de Saint-Pétersbourg, les pluies en Arizona et récemment les fortes chaleurs en Amérique du nord… et on craint le pire pour la mousson qui va débuter en Inde et au Bangladesh. On sait, sur base de modèle autour du réchauffement, mais surtout grâce aux connaissance en simple physique, que c’est phénomène vont se répéter et devenir plus fréquent avec le réchauffement des températures. On vise officiellement à ne pas dépasser le +1°, mais je suis moins optimiste. Pour moi, si rien ne change, on va vers +3°. Peut-être que je suis trop pessimiste, il n’empêche que tout ce qu’on constate déjà aujourd’hui n’est pas bon. Ce genre d’évènements climatiques extrêmes ne rend que plus concret le réchauffement climatique. Et cela m’attriste de le dire, mais ils serviront peut-être à réveiller les esprits et pousseront les autorités à en tirer les conclusions nécessaires. Car cela va se reproduire, c’est certain. La seule chose qu’on ne sait pas, c’est à quelle fréquence. »

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