Didier Reynders © AFP

Les marionnettistes de la politique belge: les chefs de cabinet

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

À quel point les chefs de cabinet sont-ils importants? Il y a quelque temps, un ténor de la N-VA confiait à Knack : « Quand on parle de la situation politique en interne, on entend souvent les noms de deux hommes dont il faut tenir compte : Raf Suys et Didier Reynders « .

Suys est le chef de cabinet de la vice-ministre-présidente flamande Hilde Crevits (CD&V), Reynders (MR) est vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et a démarré sa carrière politique comme chef de cabinet de feu Jean Gol.

Pour être clair, le chef de cabinet est l’homme ou la femme qui gère le cabinet d’un ministre ou d’un secrétaire d’État. Le ministre est le personnage public qui incarne la politique et reçoit applaudissements et critiques, et qui doit amasser suffisamment de voix aux élections. Le chef de cabinet n’est rien de tout cela. Il n’est pas élu, mais désigné. Il ficelle les accords que le ministre peut mettre à son nom. Et il trouve que les élections entravent le cours normal des choses.

La tâche reste importante pour le chef de cabinet : le ministre a une idée ou prépare un plan, le chef de cabinet doit se charger de l’exécution – et ce n’est pas toujours facile. Les chefs de cabinet disposent de deux moments de réunion par semaine où ils peuvent faire valoir leur influence. Le premier c’est la « concertation de ministres » au sein du parti, lors duquel les ministres et leurs chefs de cabinet discutent du travail au gouvernement. Dans la plupart des partis du gouvernement, cette réunion peu connue est beaucoup plus importante que le « bureau du parti » plus médiatisé. Le second moment, c’est « la réunion des chefs de cabinet », tous les jeudis devant le conseil des ministres. Il n’y a aucun (ex)-chef de cabinet qui l’admet textuellement, mais cette réunion est aussi importante que le conseil des ministres lui-même. Les chefs de cabinet de tous les partis du gouvernement y préparent des décisions pour lesquelles leurs ministres doivent se mettre d’accord. Et si les chefs de cabinet ne s’en sortent pas, alors le gouvernement encore moins.

Jean-Luc Dehaene avait développé un système séparé: il entretenait de bons contacts avec son réseau d’anciens chefs de cabinet et collaborateurs, lesdits « Dehaene-boys ». Après leur période au cabinet, ils occupent de hauts postes dans l’appareil d’état et le pilier chrétien : Jan Smets est devenu directeur à la Banque Nationale, Marc Justaert président des Mutualités chrétiennes, Wim Coumans chef de cabinet de Wilfried Martens, etc. Dehaene les réunissait régulièrement autour d’un sandwich pour discuter de l’actualité politique. Un initié : « La semaine d’après, celui qui ne pouvait y assister avait le sentiment de ne pas être vraiment au courant. »

Le seul à avoir copié le système Dehaene, c’est Didier Reynders. Reynders est ministre depuis 1999 et dispose entre-temps aussi d’un réseau d’anciens chefs de cabinet à toutes sortes de postes stratégiques. Cela fait de lui le politique le mieux informé, un homme qui a des yeux et des oreilles dans les autres partis. Ainsi, le boy de Reynders, Joy Donné, est le nouveau chef de cabinet en Politique générale du vice-premier ministre Jan Jambon (N-VA).

Luc Coene a quant à lui combiné trois jobs dans le gouvernement arc-en-ciel de Verhofstadt I (1999-2003) : secrétaire du conseil des ministres, et chef de cabinet politique et économique du premier ministre. Selon ses dires, Coene voulait éviter la confusion, « ce qui fonctionne le mieux quand je fais tout moi-même. » Comme il était arrivé quelques fois que du courrier reste traîner ou n’atteigne pas le bon destinataire, Coene a décidé qu’aucun membre du cabinet n’ouvrirait son courrier lui-même : au cabinet Verhofstadt, le courrier était centralisé. Et ce point de poste central était le bureau de Luc Coene, qui passait tout le courrier en revue, y ajoutait des commentaires et l’attribuait à telle ou telle personne. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas: Rudy Volders est chef de cabinet du premier ministre Charles Michel (MR), mais un autre confident, Gérald Duffy, est secrétaire du conseil des ministres.

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