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Les intérêts notionnels au pilori européen

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Un expert de la Commission européenne juge sévèrement le régime des notionnels belges qui attire les profiteurs. De quoi faire réfléchir les futurs partis de la coalition fédérale. Voici, en exclusivité, les détails de son rapport.

En Belgique, le régime des intérêts notionnels est controversé depuis plusieurs années. Mais aucun gouvernement n’a encore osé toucher en profondeur à ce régime fiscal favorable aux acteurs économiques du pays et très coûteux pour l’Etat. Les quatre partis qui négocient aujourd’hui un accord de majorité fédérale devront s’entendre là-dessus aussi. Tous semblent plutôt favorables à leur maintien sans modifier la donne, surtout le CD&V et l’Open-VLD.

L’idée officielle, en 2005, était d’encourager une meilleure solvabilité des entreprises en mettant fin à la discrimination entre les investissements qu’elles réalisent via des emprunts (dont les intérêts sont exonérés) et ceux réalisés via un autofinancement à partir de leurs fonds propres, qu’il s’agisse de capital injecté ou de bénéfices non distribués aux actionnaires. Pour ces seconds investissements à risque, un intérêt (entre 3 et 4 %) notionnel, c’est-à-dire fictif, peut-être déduit. La mesure profite surtout aux multinationales, donnant lieu, dans certains cas, à une exonération totale de l’impôt des sociétés. Parallèlement, aucune évaluation objective n’a jamais démontré un impact positif des notionnels sur l’économie réelle, notamment en terme d’emplois.

L’étude réalisée pour le compte de la Commission européenne (1) compare le système de déductibilité belge et celui mis en place en Italie en janvier 2011. Elle relève deux différences essentielles.

1) en Italie, les intérêts notionnels sont calculés sur la seule augmentation des fonds propres à partir de l’application de la loi, soit le 1er janvier 2011. On y encourage donc les fonds propres nouveaux dans le but de désendetter les entreprises. En Belgique, les notionnels ont calculés sur l’ensemble des fonds propres d’une entreprise, y compris ceux qui existaient avant la loi.

2) les mesures pour contrer les abus sont bien plus efficaces dans la législation italienne. Celle-ci a rendu le système hermétique aux transactions qui sont effectuées entre filiales d’un même groupe (transferts d’actifs, prêts, etc.) dans l’unique but de générer des augmentations de capital pour profiter des notionnels. Dans ce scénario, le manque à gagner fiscal touche les caisses publiques d’autre Etats. Au sein du SPF Finances, certains évoquent un déficit probable de plusieurs centaines de millions d’euros pour la Belgique et ses voisins européens.

L’étude conclut que les opérations d’optimisation fiscale permises par le régime des notionnels coûtent donc très très cher à l’Etat.

Addressing the Debt Bias: A comparison between the Belgian and the Italian ACE Systems, Ernesto Zangari, Working Paper n°44, European Union (juin 2014).

Le dossier et les détails dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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