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Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « Le dentifrice pas efficace contre le coronavirus, mais… »

Le Vif

Non, se brosser les dents ne permet pas d’empêcher la propagation du virus, répond le professeur Julian Leprince. Par contre, cela a contribué à limiter la consultation des patients en-dehors de la maladie. Les consultations en dentisterie ont repris, mais patience avant un retour à la pleine capacité de soins.

Questions de lecteurs. Hygiène buccale. Lorsque que nous nous lavons les mains, la queue hydrophobe des molécules libres du savon cherche à éviter l’eau, elle se fixe alors sur l’enveloppe lipidique des virus et la désorganise. Un virus enveloppé sans enveloppe lipidique fonctionnelle n’est plus infectieux. Le dentifrice est-il aussi efficace contre le Coronarovirus sur la muqueuse buccale que le savon l’est sur la peau des mains?

Les dentistes sont en lockdown depuis trois semaines, seuls les cas les plus urgents sont traités. Pour les autres… paracétamol. Quand donc pourra-t-on de nouveau se faire soigner normalement (hors urgence) sachant que cette branche comme d’autres est en pénurie de matériel ?

Réponse de Julian Leprince, professeur à la Faculté de médecine et médecine dentaire, chef de clinique adjoint aux Cliniques universitaires Saint-Luc

Concernant la première question, je doute que cela ait été testé. La majorité des dentifrices contiennent du détergent, et donc le même type de raisonnement que celui qui est mentionné ci-dessus pourrait être valable.

Cependant, il est nécessaire de bien définir ce qu’on entend par ‘aussi efficace’. Il faut en effet bien distinguer une efficacité lors d’un test au laboratoire (virus + dentifrice = ?), et un test clinique où la question de recherche doit être clairement définie au départ. Ce qui nous intéresse dans la situation actuelle est très clair: qu’est-ce qui peut diminuer la transmission du Coronavirus? Dans ce cadre, le savon et l’hygiène des mains présente un intérêt évident pour diminuer la contamination des surfaces touchées. Par contre, ce raisonnement ne tient pas pour le dentifrice pour une raison évidente: la majorité des choses qui entrent en contact avec les dents disparaissent dans le tube digestif. De plus, la présence du virus n’est pas limitée à la cavité buccale, mais à tout le système respiratoire, sur lequel évidemment le dentifrice n’a aucune action. On en revient donc aux procédure de prévention les plus logiques proposées pour réduire la transmission du Coronavirus dans la sphère orale, à savoir la distanciation sociale, et le port du masque.

On peut, cela dit, également tourner la réponse autrement, en répondant par l’affirmative: oui, le dentifrice est efficace, mais indirectement, contre la transmission du Coronavirus. En effet, pendant la période de confinement, nous avons réduit la prise en charge des patients aux soins strictement urgents, en prodiguant le plus possible de conseils par téléphone. Ces conseils incluaient notamment des informations basiques mais essentielles d’hygiène buccale (réduction d’apport en sucre, brossage, dont utilisation de dentifrice) afin de réduire au maximum la progression carieuse, et donc le besoin de consultation en urgence. La mise en place de ces mesures d’hygiène buccale correcte a donc contribué à limiter au maximum le besoin de consultation des patients (déplacement des patient, présence en salle d’attente, etc.). En outre, certains des soins réalisés au cabinet dentaire entraînent la création d’aérosols (microgouttelettes en suspension) qui peuvent rester en suspension dans l’air. Réduire le besoin de recourir à ces soins a diminué de facto le risque de contamination au moment le plus intense de l’épidémie dans notre pays.

Concernant la deuxième question, la situation évolue, car depuis le 4 mai, les soins ont pu reprendre dans de nombreux cabinets dentaires, avec un élargissement des soins jusqu’ici limités aux urgences aux soins ‘nécessaires’, c’est à dire pouvant mener à une aggravation de la situation si non réalisés dans un délai raisonnable. Pour le moment, les soins caractérisés comme ‘électifs’, et non essentiels sont donc logiquement remis à plus tard.

Il est évidemment important de concentrer les ressources humaines et de matériel vers les problèmes perturbant la qualité de vie des patients (douleurs et déficits fonctionnels importants).

Tous les professionnels de notre discipline sont bien sûr impatients de pouvoir à nouveau répondre à toutes les demandes de leurs patients, mais les mesures d’hygiène additionnelles nécessaires en contexte COVID augmentent considérablement le temps entre deux patients, et donc la capacité d’accueil de toutes les structures qui les mettent correctement en application.

Il faudra donc encore patienter probablement un certain temps avant de pouvoir à nouveau soigner à pleine capacité

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