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Les éditorialistes flamands tirent à boulets rouges sur la N-VA

Ce mercredi, les éditorialistes flamands ne se contentent pas de décréter la mort du gouvernement, ils sont aussi remarquablement sévères à l’égard de la N-VA. Le parti est « l’ombre de lui-même » et « risque de devenir un parti d’extrême droite comme un autre », écrit Jan Segers dans Het Laatste Nieuws.

La « radicalisation soudaine » de la N-VA et sa campagne très contestée contre le Pacte des Nations Unies sur les migrations font l’objet de pratiquement tous les éditos de la presse flamande et francophone.

« Le gouvernement est raide mort. Il ne reste plus qu’à établir le décès et organiser les funérailles », résume Liesbeth Van Impe dans Het Nieuwsblad. Pour elle, il n’y aura bientôt plus de « retour en arrière » pour la N-VA, le plus grand parti du gouvernement. « Pendant quinze ans, le parti a pu occuper une position unique entre le centre et l’extrême droite, entre parti au pouvoir et parti fouettard. Par sa campagne, la N-VA a clairement fait comprendre que l’électeur d’extrême droite lui est plus cher que l’électeur du centre « , conclut-elle. « La N-VA espère peut-être que ces dernières années l’électeur du centre penche se soit radicalisé, et c’est peut-être le cas. Mais la panique autour de la campagne montre clairement que l’équilibre est en péril. »

Selon Bart Eeckhout du Morgen, le fait que la campagne sur les réseaux sociaux ait été retirée n’a pas beaucoup d’importance. « Elle a d’abord été ardemment défendue et distribuée par les porte-parole du parti. Cela montre qu’une partie importante de la direction du parti est prête à s’engager dans une lutte politique à coup de mensonges et de contrevérités. Quitte à se servir d’images stigmatisantes, effrayantes et xénophobes. Eeckhout s’étonne qu' »au premier revers électoral », la direction de la N-VA panique et se fourvoie en une plate imitation de l’extrême droite ». Il évoque un « gros coup de poker ». Le parti est-il certain de ne pas commettre l’erreur qui lui a coûté de nombreux votes le 14 octobre : faire le lit du VB ? Les électeurs peuvent également s’en aller vers d’autres partis ». Et que se passera-t-il si la N-VA ne gagne pas les prochaines élections, anticipées ou non? « Qui voudra encore former un gouvernement avec la N-VA après ça ? Qu’est-ce que le parti aura accompli pour ses électeurs ? Absolument rien au niveau communautaire. Beaucoup trop peu en termes budgétaires. Beaucoup moins que ce qu’elle aurait pu sur le plan économique. »

Dans Het Belang van Limburg, Yves Lambrix parle de la N-VB, « le Nouveau-Vlaams Belang ». Le retrait de la campagne et la « pénitence » de De Wever and co. intervient « too little, too late ». Il qualifie la campagne de « bévue stratégique d’envergure » qui a donné au Premier ministre Michel l’occasion de guider la N-VA vers la sortie. « Le résultat est que seuls les nationalistes flamands purs et durs croiront le MR, l’Open Vld et le CD&V responsables de ce cauchemar. Et l’électeur n’est pas dupe. »

« La N-VA a perdu les pédales », estime Segers dans Het Laatste Nieuws. « Ces quatre dernières années, la N-VA était déjà devenue un parti comme les autres. Tout aussi pragmatique. Tout aussi opportuniste. Tout aussi avide de pouvoir. Tout aussi belge. Aujourd’hui, elle risque de devenir un parti d’extrême droite comme les autres, peu attrayant pour les nombreux Flamands qui la considéraient comme une alternative puissante à la médiocrité dont font preuve les démocrates-chrétiens et les libéraux depuis des années. C’est aller très loin que de faire sauter son ancien gouvernement de rêve au nom d’un « texte onusien finalement innocent », conclut Segers.

« Cela en dit long sur ce gouvernement et sur ce parti. Oui, il peut quitter ce gouvernement, honteux comme il semble l’être de ses réalisations, et le laisser s’enliser jusqu’au mois de mai sans lui. Mais doit-il espérer de la compréhension? L’électeur doit-il trouver normal que, pour quelque raison que ce soit, le gouvernement entre en affaires courantes? » « Comment est-ce possible que le plus grand parti du pays, qui dispose d’un budget de campagne énorme et qui a fait ses preuves à plusieurs reprises, fasse autant de bévues « , se demande Kris Vanmarsenille du Gazet van Antwerpen. « L’opposition au pacte de l’ONU sur les migrations, l’ardent désir de se profiler et l’arrogance sont montés à la tête du parti. Pour Vanmarsenille, la crise compliquera inévitablement les négociations de coalition à Anvers. L’image de Bart De Wever le grand conciliateur a pris un sérieux coup. « L’homme qui voulait mettre fin à la guerre avec la gauche et qui prêchait la réconciliation montre trop peu de respect pour la population diverse de sa ville ».

« La N-VA traverse une crise profonde », juge Bart Sturtewagen dans De Standaard à propos de la « radicalisation soudaine » du parti au sujet du pacte migratoire. « Depuis les élections décevantes du 14 octobre, il a perdu son éclat d’inviolabilité. De plus, la campagne décriée sur les réseaux sociaux a offert au Premier ministre Michel l’opportunité de faire un forcing et d’aller au Parlement. La N-VA n’est donc pas si sûre qu’en cas de chute du gouvernement, elle remportera une victoire éclatante », conclut Sturtewagen. « En se positionnant de cette manière, elle a clairement fait comprendre à la concurrence qu’elle était prête à mener une audacieuse campagne de droite. L’expérience d’hier lui a appris que jusqu’à présent, elle n’a fait que jouer le jeu du Vlaams Belang. Soudain, les élections rapides sont l’option la plus risquée pour la N-VA. »

Enfin, Bart Haeck du quotidien financier De Tijd se focalise sur les occasions manquées. Tout comme les employeurs, il souligne que « le travail n’est pas fini ». Mais pour Haeck, cela n’est pas seulement dû à la crise actuelle, mais aussi à quatre « années de reprise sans élections » sous-exploitées. Et il l’attribue tout aussi bien au choix du CD&V pour le ‘flanc gauche’. On ignore encore à quoi ressemblera la fin du gouvernement. Mais il est clair qu’il ne peut plus fonctionner normalement ».

Belga./CB

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