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Les coulisses de la campagne N-VA: Coup stratégique ou grosse gaffe ?

Muriel Lefevre

Mardi, 14 heures, semblait sonner le glas du gouvernement Michel. Avec le lancement par la N-VA d’une impitoyable campagne contre le pacte migratoire, on pouvait commander les couronnes. Sauf, qu’à la dernière minute, l’élite du parti a décidé de reporter, d’un peu, l’exécution. Retour sur un après-midi étrange.

14H: Le coup de tonnerre

Michaël Devoldere, membre du cabinet du ministre Ben Weyts (N-VA) et fervent partisan des médias sociaux, est l’un des premiers à partager la campagne. Ce tweet à peine une heure avant un Kern de tous les dangers ne passera pas inaperçu. D’autant plus que la campagne en question ressemble à des tracts de l’extrême droite. Une impression confirmée par la suite puisque la photo qui représente des femmes musulmanes a déjà été utilisée par Journalistenwatch.com, un site allemand de droite populiste.

Joachim Pohlmann
Joachim Pohlmann© Belga

Alors que les critiques enflent de toutes parts, le porte-parole du parti, Joachim Pohlmann, défend tout de même la campagne : « Ce sont des photos de situations réelles telles qu’elles se produisent déjà. Dans le Maximilianpark. A l’aéroport », souligne Pohlmann. Même si cela ressemble à une attaque contre le gouvernement, Pohlmann nie que la campagne soit un tacle délibéré envers la coalition. Pourtant c’est une évidence pour tous les observateurs : la N-VA est passée en mode électoral.

15H: On percute

Les coulisses de la campagne N-VA: Coup stratégique ou grosse gaffe ?
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Devant le tsunami de réactions négatives, la pression augmente dans les couloirs de la N-VA car tout le monde commence à comprendre que la situation est en train de leur échapper. Diverses sources indiquent que, un peu plus tôt cette semaine, la N-VA avait émis le souhait d’expliquer d’une manière simple à ses partisans pourquoi le parti ne peut vraiment pas soutenir le Pacte de l’ONU sur la migration. L’équipe de communication de la N-VA juge bon d’ajouter des images et des graphiques pour habiller un contenu estimé trop austère avant de les balancer sur les réseaux sociaux.

16H: Vent debout

Une des règles d’or de Bart De Wever est d’affronter les choses vent debout. Pour lui ramper, n’aide qu’à sombrer plus bas. Les images sont donc mises hors ligne et on envoie le chef de groupe à la Chambre, Peter De Roover, dans l’arène.

Peter De Roover
Peter De Roover © Belga

Ça tombe bien, il est sur place pour l’audition des experts sur le pacte migratoire. Là aussi, la révolte contre la N-VA gronde. Les partis de la majorité sont eux aussi furieux, pendant que Filip Dewinter, le leader du Vlaams Belang, admire le spectacle.

17 H: un début de génuflexion

Pohlmann finit par admettre que c’est bien une erreur et en prend l’entière responsabilité de la publication.

18H: à genou

Vers 18h30 De Wever sort enfin de son silence pour se lancer dans le mea culpa sur radio 1. Dans le même temps, le vice-premier ministre Jan Jambon (N-VA) est avec le Premier ministre. Michel semble accepter les excuses de Jambon qui dit qu’il s’agit d’une bévue et non d’une décision stratégique. Le vice-premier ministre quitte Michel relativement confiant.

Les coulisses de la campagne N-VA: Coup stratégique ou grosse gaffe ?
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Une confiance quelque peu excessive puisqu’à l’heure des JT du soir, Michel annonce, en conférence de presse, qu’il met fin aux consultations gouvernementales. A la N-VA, on est déconcerté. Et, chose rare, on crache avec force, bien que de façon officieuse, sur les collègues du service de communication. « Une erreur catastrophique » et « une bourde totalement inacceptable ». Personne ne comprend comment cette équipe, qui faisait de nombreux envieux, a pu à ce point se vautrer.

Cinq des six slogans de la campagne sont faux

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = interdiction de renvoyer les familles en situation irrégulière

Faux. Même si la distinction entre les types de migration n’a pas été clairement établie, la Belgique a souligné, lors des réunions préparatoires, que l’immigration clandestine ne devrait pas augmenter. Jean-Luc Bodson, qui a négocié le Pacte pour notre pays, l’a encore précisé : « On a tenu compte de mes propositions ».

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = rendre plus difficile la détention des immigrants illégaux

Faux. Le Pacte sur les migrations stipule très précisément et explicitement que la politique migratoire – y compris la détention et le retour – reste une compétence nationale. On ne peut pas être plus clair.

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = priorité à la préservation de la propre culture des migrants

Vrai. Bien que le migrant change plus en vivant en Flandre que la Flandre…

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = accès aux droits sociaux, y compris pour les immigrés clandestins

Faux. Le pacte sur les migrations ne modifie pas la législation belge actuelle sur les migrations. Par exemple, nous pouvons toujours choisir de n’offrir qu’une assistance médicale urgente aux immigrants illégaux.

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = assouplissement des procédures de regroupement familial

Faux. Les critères de migration restent inchangés. Le Pacte sur les migrations n’impose aucune obligation supplémentaire, pas même en ce qui concerne le regroupement familial ».

  • Pacte des Nations Unies sur les migrations = le séjour illégal n’est plus punissable

Faux. Le projet de texte mentionnait effectivement la dépénalisation de l’immigration clandestine, mais celle-ci a été supprimée, notamment à la demande de la Belgique.

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