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 » Les couillons de Compostelle  » : limpide, le code  » réseaux sociaux  » du MR ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

« Ce message transgresse les valeurs que le MR défend, en particulier le respect absolu des victimes et la liberté de culte. (…) Le MR est présent sur les réseaux sociaux. Mais moyennant un code de conduite clair, à destination des militants et mandataires. » Charles Michel, président du MR, le 30 juillet, au Soir.

« N’oubliez jamais que vous êtes à un tweet de vous faire virer. » Comme d’autres avant elle, une employée du MR vient d’illustrer cette maxime bien connue au sein du réseau social. Pour Gaëlle S., conseillère en neutralité de l’Etat au centre d’études du parti, le gazouillis de trop concernait le tragique accident de train qui a fait 79 morts près de Compostelle, en Espagne : « les couillons qui ont marché pendant des semaines pour joindre Compostelle sont privés de célébration à cause de ceux qui arrivaient en train^^ ».

Sur papier, la phrase passerait au mieux pour de l’humour douteux, au pire pour une raillerie ignoble. Dans cet immense bistrot qu’est Twitter, les saillies de ce genre sont légion et n’émeuvent guère. Sauf un « élu MR » anonyme, qui s’est empressé de dénoncer la chose à un quotidien en ligne. C’était le samedi 27 juillet. Averti, Charles Michel s’est dit furieux et a promis à l’intéressée un « entretien sévère. » Entre-temps, cette dernière avait effacé son tweet et s’était excusée auprès des personnes que son « humour noir » aurait pu blesser. Le lundi suivant, le couperet est pourtant tombé : licenciement sans sommation.

Pour justifier cette sévérité, Charles Michel s’appuie sur les valeurs du MR, ainsi que sur un règlement interne censé prévenir les dérapages sur les réseaux sociaux. Nous nous sommes procuré ledit document. Verdict ?

Pas si clair

Intitulé « Les bonnes pratiques sur les réseaux sociaux », ce texte adopté le 24 juin tient sur une page. L’un des paragraphes énumère justement les « valeurs de l’humanisme démocratique » que tout membre du Mouvement réformateur s’engage à respecter : « La primauté de la personne humaine et sa dignité, l’égalité des droits et des chances pour tous, le respect des libertés fondamentales, la responsabilité, la solidarité sociale, le travail, la liberté d’entreprendre, de créer, le libre choix du mode de vie, la liberté de pensée et d’expression, la tolérance et le droit à la différence et la participation active des citoyens au débat politique. »

Les membres et mandataires sont ainsi invités à adhérer « sans réserve » à la déclaration universelle des droits de l’homme et, « plus particulièrement », à la loi du 30 juillet 1981 contre le racisme et la xénophobie.

En pratique, le texte interdit de publier des messages « à caractère raciste, xénophobe, révisionniste, négationniste, haineux, diffamatoire, pornographique, pédophiles ou obscènes, agressifs ou choquants qui attaquent ou dévalorisent un groupe en raison de la race, l’origine ethnique, la religion, le handicap, le sexe, l’âge ou l’orientation/identité sexuelle, les incitations à la haine raciale, les appels à la violence ou au meurtre ».

Bref, il ne mentionne nulle part la « liberté de culte » ni le « respect absolu des victimes ». Ce dernier point, qui peut sembler aller de soi, pourrait certes être inclus dans « la primauté de la personne humaine et sa dignité » ; mais une formulation si vague laisse sans doute beaucoup (trop ?) de marge à l’interprétation. Restent le caractère « choquant » du message litigieux, concept tout aussi flou et relatif, et la dévalorisation d’un groupe en raison de sa religion, ce qui n’est pas flagrant dans le cas d’un pèlerinage qui réunit de nombreux athées et agnostiques.

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