De Tihange (photo) à Doel, les centrales nucléaires tournent de moins en moins rond. © Reporters

Les centrales nucléaires n’en finissent plus de donner des sueurs froides

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

La Belgique manque toujours autant d’énergie pour s’arracher à sa dépendance au nucléaire. S’approvisionner en électricité continue d’osciller entre cafouillage et bricolage.

Elles n’en finissent plus de donner du fil à retordre et des sueurs froides. De Doel à Tihange, les centrales nucléaires tournent de moins en moins rond et de plus en plus souvent au ralenti. L’âge est là, les pépins techniques s’accumulent et justifient des mises à l’arrêt pour travaux de maintenance quand ce n’est pas pour des motifs de sécurité.

Fâcheuse indisponibilité. Passer l’hiver avec trois réacteurs en état de marche sur sept serait très douloureux à vivre si un froid particulièrement rigoureux devait s’abattre sur le pays. Janvier et février seront particulièrement tendus, ont pronostiqué au début de l’automne les experts et acteurs en énergie. Qui n’ont pas exclu une situation extrêmement critique à devoir gérer. Qui ont tenu des constats inquiétants, parfois alarmants, en faisant rapport au Parlement, début octobre: « La capacité de la production à répondre à tout moment suffisamment à la demande est sérieusement affectée. Elle n’est pas « dans le coma », mais sera soumise à un « stress » important », a déclaré un représentant du Bureau du plan.

La saison de la chasse aux mégawatts a donc été une nouvelle fois ouverte pour compenser le coup de mou du parc nucléaire belge. Appel aux capacités énergétiques du voisin français, redémarrage de la centrale au gaz de Vilvorde et de deux turbines gaz-vapeur en Flandre, centrales thermiques sollicitées un peu plus qu’à l’accoutumée, activation de groupes électrogènes au gaz ou au diesel, installation de centrales flottantes sur l’Escaut pour peu que le tirant d’eau le permette. Toutes les ressources sont bonnes à prendre pour écarter le spectre d’une pénurie hivernale d’électricité.

Le Belge en 2018 a donc révisé le vocabulaire de saison. Il redécouvre ce que peut bien vouloir signifier une « probabilité de délestage », soit la perspective de devoir subir un nombre d’heures durant lesquelles l’offre d’électricité ne sera pas suffisante pour répondre à la demande sur le territoire belge. Le citoyen-contribuable assiste, lassé ou consterné, aux charges lancées contre la ministre fédérale de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MR), pointée du doigt pour ne pas avoir jugé nécessaire, durant l’été, de constituer une réserve stratégique pour l’hiver. Il suit, perplexe et résigné, le bras de fer engagé entre l’Etat et Engie-Electrabel, l’opérateur privé qui règne en maître sur le parc nucléaire et que l’on accuse de prendre son entretien un peu trop à la légère. Il observe, incrédule, les tensions entre le pouvoir fédéral et les Régions quant à la bonne volonté et aux efforts respectifs des uns et des autres pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques à l’échelle internationale.

Le règne du bricolage

Le consommateur, lui, craint par-dessus tout l’envol de sa facture d’électricité et le coût que pourrait représenter toute cette gestion de carence en énergie. Les experts, là encore, plombent l’ambiance: le prix de l’électricité est en décrochage par rapport aux pays voisins du fait de l’indisponibilité de centrales nucléaires et de certaines centrales au gaz, le prix du mazout de chauffage a doublé et celui du gaz sur le marché a augmenté de 60% en un an.

2018 aura donc vu se prolonger le règne du bricolage, du système D, de la rupture de courant jusqu’ici évitée tant bien que mal. Avec, à la manoeuvre, un gouvernement fédéral, son partenaire N-VA en tête, qui n’a cessé de semer le doute sur une réelle volonté de sortir de la dépendance au nucléaire d’ici 2025 en explorant résolument la voie des énergies de substitution. Qui peine à donner un début d’effet au pacte énergétique interfédéral et à livrer une amorce de contenu à l’impérieuse transition écologique. Laquelle ne fera que s’inviter toujours plus dans les portefeuilles, y compris des moins nantis. Au passage à l’énergie verte, c’est pour l’instant le gilet jaune qui est de sortie.

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