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« Les attentats auront un impact encore plus fort que l’affaire Dutroux

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Le réseau a beau être saturé, ses téléphones n’arrêtent pas de sonner.Michaël Dantinne pourrait être sur tous les fronts médiatiques. Criminologue à l’université de Liège, il répond volontiers aux sollicitations, mais reste prudent, étant donné le flou entourant toujours les événements sanglants de ce 22 mars.

Quelles hypothèses peut-on formuler à l’heure actuelle ?

Michaël Dantinne. La coïncidence entre les attentats de Bruxelles et l’arrestation de Salah Abdeslam semble un peu trop grosse. On peut postuler qu’il y ait un lien entre les deux. La première hypothèse est que des personnes aient voulu se venger suite aux opérations policières de ces derniers jours. Ou qu’elles aient voulu agir par crainte d’être démasquées si Salah Abdeslam se mettait à parler. La deuxième hypothèse, qui semble peut-être moins séduisante, mais qui n’en reste pas moins probable, est que ces événements soient le fait d’autres protagonistes n’étant pas directement connectés à Salah Abdeslam et à son réseau.

Si la première hypothèse se confirmait, elle entrerait en contradiction avec la ligne de défense de Salah Abdeslam, qui aurait affirmé s’être dégonflé lors des attentats de Paris.

Il est possible qu’il ait mené tout le monde en bateau et qu’il ait des connexions avec les auteurs des explosions à Zaventem et dans le métro, qui auraient voulu le venger. Il est également possible que ces auteurs aient voulu montrer qu’ils n’étaient pas des couillons comme lui ! Ou alors il s’agit d’autres personnes. Il faudra analyser les motivations.

En cas de vengeance, peut-on imaginer qu’une telle opération se monte en quatre jours seulement ?

Les événements ne sont pas incompatibles avec une certaine précipitation. Cela ne demande pas un niveau d’organisation extraordinaire. Malheureusement, se procurer des armes n’est pas très compliqué. Ni obtenir des matières premières pour des explosifs. Le fait que cela soit des attentats coordonnés est récurrent, on a déjà observé cela à Paris, Londres ou Madrid. Cela empêche les autorités de réagir.

Il peut sembler interpellant que l’Ocam n’ait pas décidé de relever le niveau de menace à 4 après l’arrestation de Salah Abdeslam.

C’est que l’Ocam ne disposait pas des informations nécessaires pour le relever, sinon il l’aurait fait. Mais même si on avait été à 4, qu’aurait-on fait de plus ? Ce n’est pas pour cela qu’on aurait eu des mesures de sécurité supplémentaires. Tous les débats vont désormais se concentrer autour de la question « comment n’a-t-on rien vu venir ? » La Belgique était déjà l’objet de critiques, je crains que cela empire. On va vouloir analyser les défaillances. Or le système sera toujours défaillant, il est impossible de tout surveiller. On passe alors à côté des vrais défis.

Quels sont-ils, selon vous ?

Il va falloir se poser les bonnes questions. Analyser les choses de manière froide, dépasser les effets d’annonce et mettre en place une vraie coordination. Il faut établir une feuille de route avec des objectifs déterminés. Ce n’est pas 100 policiers de plus qui vont changer quoi que ce soit.

Il y avait d’ailleurs des militaires qui surveillaient les entrées du terminal de l’aéroport. Cela n’a rien empêché…

Les militaires, c’est du placebo ! Je n’ai rien contre, je ne critique pas si ça peut permettre aux gens de se sentir davantage en sécurité. Mais si on veut vraiment s’en sortir, il faut que les politiques prennent les bonnes décisions. Il faudra aussi reparler d’une vraie police européenne, d’une vraie agence européenne. En tout cas, en Belgique, je suis persuadé que ces attentats auront un impact encore plus fort que l’affaire Dutroux, au niveau du fonctionnement des institutions, des lois… Cela laissera une trace considérable.

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