Gérald Papy

Le tueur et le président

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le président français Nicolas Sarkozya eu raison de proclamer que « toute la communauté nationale » était bouleversée par la tuerie de Toulouse.

L’assassinat de trois enfants et d’un professeur le lundi 19 mars participe, après l’exécution avec la même arme d’un puis de deux militaires les 11 et 15 mars, d’une surenchère dans l’horreur qui ne pouvait qu’instiller en France la psychose du tueur en série.

Mais le carnage de Toulouse recèle évidemment une dimension dramatique supplémentaire pour la communauté juive d’Europe. Qu’un homme abatte de sang- froid, à bout portant, des enfants de 3, 6 et 10 ans dans une école juive qu’il a choisie ravive les souvenirs les plus douloureux et les plus monstrueux d’une époque où fut perpétré un génocide sur le continent européen. Il n’est donc pas illégitime que d’Israël ou d’ailleurs émanent des réactions d’inquiétude sur le sort des Juifs dans nos pays. D’ailleurs, si, d’après les chiffres officiels, le nombre d’actes antisémites a diminué en France en 2011, celui des agressions physiques est resté stable.

La nature antisémite de l’assassin des enfants étant avérée, c’est en revanche l’enquête qui devra déterminer si ses trois précédentes victimes ont été sélectionnées parce que d’origine musulmane ou parce que militaires (ayant potentiellement servi en Afghanistan). De la réponse à cette question pourrait dépendre, le cas échéant, le profil, néonazi ou islamiste, du tueur.

Ces motivations politiques présumées ne seront pas anodines pour analyser l’impact du drame sur la campagne pour l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai. Puisque impact il y aura indubitablement. Le positionnement des candidats est scruté depuis le milieu de la semaine par l’électeur dans une marge de man£uvre qu’a bien résumée le site d’information rue89.fr : « Le premier qui dérape a perdu. » L’union nationale à laquelle les deux principaux prétendants à l’Elysée, François Hollande et Nicolas Sarkozy, ont appelé le jour de la tuerie au lycée Ozar-Hatorah aurait dû inspirer la retenue aux différents prétendants. Or le consensus aura vite été écorné, tantôt par un François Bayrou jugeant que le drame « s’enracine dans une société où ce type d’actes se multiplient », tantôt par un Nicolas Sarkozy, accusé d’un discours anxiogène de reconquête pour avoir déclaré à des enfants d’une école catholique que le « drame aurait pu se passer ici ».

Devant l’incompréhension qu’inspire un assassin qui filme probablement ses actes avec une caméra au cou, les dirigeants politiques seraient bien inspirés de s’interroger sur la multiplication en Europe de tueries de masse qui ne sont définitivement plus l’apanage des Etats-Unis. Face à la gravité du crime antisémite commis à Toulouse, les responsables politiques se grandiraient en répondant à ce que le spécialiste des extrémismes en Europe Jean-Yves Camus nomme la « libération de la parole radicale antisioniste » (voir en page 56). C’est à cette aune que les Français pourront juger de la stature véritablement présidentielle de ceux qui se présentent à leur suffrage.

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