Scène de Breakfast at Tiffany's, avec Audrey Hepburn © capture d'écran

Le tabac, vedette de la télé

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Le CSA et la Fondation contre le cancer publient mercredi une étude sur la place du tabac à la télévision belge francophone. Les fumeurs y sont peu mais « bien » représentés, via bon nombre de personnages principaux valorisés. Une stratégie des industriels pour « renormaliser » la clope ?

Cette semaine-là, Ryan Gosling braquait des banques pour les beaux yeux de son ex dans The place beyond the pines, alors que Jesse Pinkman songeait à abandonner la production de méthanphétamine dans Breaking Bad et que la musicienne muette Jézabel, de la série du même nom, luttait contre le syndrome de la page blanche. Toujours une clope au bec, comme 98 autres personnages des (télé)films diffusés du 30 janvier au 5 février dernier sur les huit principales chaînes francophones. Deux chercheuses du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ont décortiqué 148 programmes de fictions, à la demande de la Fondation contre le cancer, pour y débusquer la présence du tabac. Une étude inédite.

101 fumeurs sur 15 473 personnages répertoriés (de l’acteur principal à l’indistinct figurant), soit 0,65% : pas de quoi s’enflammer. Sauf que ces fumeurs sont, le plus souvent, les héros du film ou de la série et que les 32 scènes où ils sont identifiés représentent tout de même un total de 39 minutes de visibilité pour des produits du tabac. Une publicité plutôt positive, puisque dégainer son briquet est, dans 67% des cas, associé à un trait de caractère positif, comme la confiance en soi, la détermination, le calme et la ruse.

Publicité est peut-être le mot juste : les chercheurs du CSA ne peuvent formellement le prouver mais soupçonnent certains placements de produits. Ce ne sont pas tellement les marques elles-mêmes qui sont mises en avant à l’image, mais plutôt l’acte. Rien d’anodin, selon Didier Vander Steichel, directeur général de la Fondation contre le cancer, qui estime que la cigarette fait son retour au cinéma et à la télé, ces dernières années. « Il ne serait pas étonnant de voir l’industrie du tabac utiliser le placement de produit pour « renormaliser » le comportement tabagique et influencer les consommateurs. Cette stratégie est d’autant plus nécessaire [pour elle] que les autres interdictions se sont multipliées : interdiction de fumer sur le lieu de travail, dans les cafés, les restaurants… Il peut sembler logique qu’une entreprise cherche à promouvoir ses produits de toutes les manières possibles. Mais on parle ici d’un secteur qui tue la moitié de ses clients ! Ce manque d’éthique est révoltant. »

La Fondation n’espère pas faire disparaître la cigarette des écrans (« cela fait malheureusement partie de l’histoire de nos sociétés »), mais bien sensibiliser les réalisateurs pour éviter que les acteurs soient pris comme modèles. Notamment par les jeunes, particulièrement sensibles à ces stratégies marketing des industriels du tabac. La Fondation adresse dès lors trois demandes aux pouvoirs publics : revoir la signalétique relative à la protection des mineurs (qui s’applique lorsqu’un film présente des scènes violentes et/ou à caractère sexuel) et y inclure les programmes présentant des comportements tabagiques, encadrer ces films par des « messages forts anti-tabac » et s’assurer que les (co)-productions belges ne soient pas sponsorisées ou financées par les cigarettiers.

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