Des initiatives communales et régionales encouragent la multiplication des poulaillers en ville. © getty images

Un poulailler dans son jardin, une bonne idée ? Gare aux prédateurs

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les poulaillers collectifs et familiaux urbains se multiplient. Mais la nature en ville, c’est aussi la recrudescence de rusés prédateurs.

«Poulailler sur pilotis avec pondoir», «aire de jeu pour poules»… Des grandes surfaces proposent, en kit, tout le matériel nécessaire à l’aménagement d’un enclos protégé et d’une cour pour gallinacés. Plus qu’un phénomène de mode «écolo-bobo», le poulailler urbain répond à une tendance de fond: de plus en plus de citoyens souhaitent manger des œufs sains issus de leur propre production et réduire leur quantité de déchets organiques, les poules étant omnivores. A Bruxelles et en Wallonie, des initiatives communales et régionales encouragent les élevages collectifs et familiaux non commerciaux, prodiguent des conseils pour accueillir des poules pondeuses au jardin mais insistent aussi sur les règles à respecter pour éviter tout désagrément avec le voisinage et préserver le bien-être des volatiles.

C’est la troisième fois que nos poules sont tuées. Mais cela ne nous décourage pas.

En 2020, Ixelles a aménagé un poulailler collectif au parc du Viaduc. Watermael-Boitsfort et Berchem-Sainte-Agathe sont également des communes pionnières en la matière. A Etterbeek, l’administration communale a mis en place et coordonné, dès 2014, deux poulaillers collectifs grâce à des subsides régionaux, puis sur fonds propres. «L’un des deux subsiste, celui du jardin Jean-Félix Hap, réaménagé en 2020, signale Marie Feller, écoconseillère au service Développement durable de la commune. Une dizaine de ménages du quartier se sont engagés à prendre en charge à tour de rôle le nourrissage des poules et l’entretien du dispositif, selon un calendrier établi entre eux. Ils déterminent aussi eux-mêmes la manière dont sont ramassés et répartis les œufs. Quand un membre du groupe se désiste ou quitte le quartier, nous organisons des visites afin de sélectionner un nouveau partenaire.»

Adoption de poules

Etterbeek a aussi proposé à une vingtaine de familles de la commune, disposant d’un espace extérieur de minimum dix mètres carrés, d’adopter des gallinacés. «Chaque ménage en a reçu gratuitement deux, vaccinés, indique Marie Feller. Nous avons accompagné pendant deux ans ces habitants et leur avons donné des conseils pour sécuriser les installations. Ils devaient prendre en charge l’achat des graines, de la litière et du grillage pour délimiter l’accès des poules dans le jardin. Certains poursuivent l’expérience, d’autres ont renoncé.»

En septembre 2020, le collectif citoyen de la cité-jardin Messidor, à Forest-Uccle, inaugure en grande pompe un poulailler collectif de huit mètres carrés. Un groupe de riverains de la plaine d’Anjou, espace vert où ils entretiennent déjà un rucher, un potager et une vigne, porte le projet, soutenu financièrement par Bruxelles Environnement. Les huit poules cohabitent dans un enclos protégé et peuvent se balader et picorer dans la cour clôturée qui l’entoure. Elles sont nourries en partie par les déchets de cuisine des dix familles qui assument la surveillance et l’entretien quotidien du lieu.

«En novembre dernier, nous avons retrouvé nos poules décapitées, confie Assunta Angeli-Pontillo, cofondatrice du comité de quartier. L’auteur du carnage est une fouine, un carnivore observé depuis plusieurs années dans la Région de Bruxelles-Capitale. C’est la troisième fois que nous perdons nos poules, tuées par un renard ou une fouine. Mais cela ne nous décourage pas: nous en achèterons d’autres. Leur présence permet d’éliminer naturellement les limaces et autres insectes nuisibles au potager. Notre poulailler alimente en œufs frais plusieurs familles, réduit le volume de déchets alimentaires des riverains et crée du lien dans le quartier. Il nécessite toutefois de l’entretien et un grand nettoyage deux fois par an pour prévenir l’apparition de bactéries, parasites et maladies.»

La Région bruxelloise a aussi soutenu la création de l’asbl Life is Wonderpoule, qui proposait des poulaillers urbains en kit de trois tailles différentes, en fonction du nombre de poules désirées (deux, quatre ou six). «Au total, une centaine de kits ont été vendus, relève Steve Deetens, à la tête de l’association en 2018. La plupart des acheteurs n’étaient pas des particuliers bruxellois, mais des crèches et des écoles, ou des Wallons disposant de grands jardins. Pour réduire le poids des déchets de cuisine et de jardin, le compostage individuel ou collectif est une solution plus simple en ville.» Edwin, propriétaire d’un poulailler à Louvain, reconnaît que les poules compliquent les relations de voisinage: «Sorties de leur enclos, elles s’aventurent chez nos voisins et font des dégâts à leurs parterres.» Sophie, de Nivelles, raconte d’autres mésaventures aviaires: «Les graines ont attiré les rats dans notre poulailler. Pire: mon chien a poursuivi et attaqué nos poules dans le jardin. Elles ont fait un arrêt cardiaque!»

Poux rouges, rats et renards

Il y a deux ans, en plein confinement, Charles, un père de famille de Woluwe-Saint-Lambert, a pris le temps de construire lui-même son poulailler, au fond du jardin: «J’ai installé un double enclos et prévu, pour les graines, une boîte en métal munie d’une trappe antirats, remarque-t-il. J’ai eu beaucoup de mal à trouver des poules, car beaucoup de confinés ont eu la même idée que moi. Achetées à Wavre, les trois poules rousses ont chacune reçu un prénom. Elles pondaient plus de deux cents œufs par an, de quoi subvenir aux besoins de la famille et de proches.»

A plusieurs reprises, le poulailler a été infesté de poux rouges. Ils sortent des fissures de l’enclos la nuit pour sucer le sang des volatiles, ce qui les affaiblit et les rend vulnérables aux maladies virales. «J’ai dû tout nettoyer à coups de brûleur, puis de Kärcher, reprend le Bruxellois. Mais la principale menace est le renard roux. Il y a deux mois, mes enfants ont retrouvé dans le jardin le corps sans tête d’une de nos poules. Des deux autres, il ne restait plus sur place que des plumes: les cadavres ont été emportés par le goupil, sûrement jusqu’à son terrier. Cela ne nous empêchera pas de rééditer l’expérience.»

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