Claude Demelenne

Le PTB, pire cauchemar du PS (carte blanche)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Le PTB le répète sur tous les tons : il veut « faire payer la crise aux riches ». Actuellement, il fait surtout payer la crise au PS. Stopper le grignotage de l’électorat socialiste par le PTB est un défi vital pour Paul Magnette & Co.

LE PTB, PIRE CAUCHEMAR DU PS

Le PTB le répète sur tous les tons : il veut « faire payer la crise aux riches ». Actuellement, il fait surtout payer la crise au PS. Stopper le grignotage de l’électorat socialiste par le PTB est un défi vital pour Paul Magnette & Co.

Vous n’avez pas envie de gâcher la bonne humeur d’un interlocuteur socialiste ? Ne lui parlez pas du PTB. En off, les socialistes n’ont pas de mots assez durs pour qualifier les dirigeants de ce parti : « populistes », « démagogues », « alliés objectifs de la droite »… on en passe, et des meilleures.

Opération grignotage

Lentement mais sûrement, le PTB grignote l’électorat socialiste. Le PS a tout essayé pour arrêter l’hémorragie. En vain. Aucune recette n’est efficace. Dans le dernier Grand Baromètre « Le Soir – RTL info », le PTB, toujours à la hausse, flirte avec les 20% en Wallonie. Le PS, toujours à la baisse, est désormais nettement sous la barre des 25%. A ce rythme là, le leadership wallon des socialistes pourrait bientôt être contesté.

Le PS a testé plusieurs tactiques pour freiner la percée du PTB. La ringardisation, d’abord. Le PTB a été montré du doigt pour son archéo-communisme, par Jean-Claude Marcourt et Elio Di Rupo, notamment. La main tendue, ensuite. Après le scrutin communal de 2018, plusieurs dirigeants du PS, Paul Magnette, Frédéric Daerden et Catherine Moureaux, pour ne citer qu’eux, ont tenté de « mouiller » le PTB dans des majorités locales « progressistes ». Après le refus de ce parti, le PS a changé de posture. Désormais, il ignore le PTB, traité comme un parti qui, par son sectarisme, s’auto-exclut des discussions pour la formation d’un gouvernement, quel qu’il soit.

Lors de leurs récentes consultations des différentes formations démocratiques, Paul Magnette et Conner Rousseau n’ont pas reçu le PTB. Message subliminal : nous ne perdons pas notre temps avec des gens qui ne souhaitent faire aucun compromis. Et qui, de facto, se placent à l’écart du débat démocratique.

La gestion, non merci

Les leaders du PS ne sont pas à la fête. Ils constatent que, quoi qu’ils fassent, ils ne réussissent pas à enrayer la progression du PTB. Ce parti surfe sur le rejet des partis traditionnels, partout en Europe. Il s’implante toujours davantage dans les entreprises, les syndicats, les écoles secondaires, les campus universitaires, le milieu associatif , les blouses blanches…

Avec un bel acharnement, le PTB cible le PS, à ses yeux un ennemi non fréquentable, au même titre que la droite. Il faut lire les écrits de son président, Peter Mertens, dans son ouvrage « Comment osent-ils ? » (éditions Aden, 2012) pour comprendre à quel point le PTB méprise le PS, ce « garagiste du capitalisme… qui travaille au pire », cette « gauche Calimero qui nous prépare des lendemains qui mentent ».

Pour le PTB, il est clair que le PS est un parti de droite comme les autres. Cela explique son refus absolu de s’allier à lui, même dans une majorité communale où il aurait pu faire son expérience de la gestion. Une telle expérience n’intéresse pas le PTB qui ne montera jamais dans une majorité (la commune flamande de Zelzate est une exception, il y a deux échevins communistes, des potes de longue date du bourgmestre socialiste) sauf s’il devenait un jour majoritaire ou dominant, ce qui est peu probable.

Une potion magique périmée

Le PTB donne des cauchemars au PS. La question est vitale pour Paul Magnette & Co. L’équation est complexe car le PTB joue sur du velours. Chaque jour, pendant que les socialistes rament pour gérer le post-coronavirus, les communistes déroulent une longue carte blanche annonçant des lendemains qui chantent si on applique leur programme. Celui-ci est souvent simpliste, mais après tout une frange non négligeable de l’électorat a envie d’y croire. On ne l’a pas encore essayée, alors pourquoi ne pas boire la potion magique que nous tend si aimablement Raoul Hedebouw, l’homme qui a compris, au contraire de Jean-Luc Mélenchon, qu’il fallait être sympathique sur les plateaux-télé et poli avec les journalistes.

La potion magique du PTB est périmée. Malgré sa panne actuelle et des compromis pas toujours glorieux, la social-démocratie n’a pas à rougir. Partout, elle a apporté d’indéniables progrès sociaux. Partout, le communisme a débouché sur des aventures liberticides. Nés après la chute du Mur de Berlin, beaucoup de jeunes électeurs du PTB n’en n’ont qu’un souvenir flou, voire pas de souvenir du tout. Il n’est donc pas simple, pour les socialistes, de pointer du doigt efficacement les références historiques poussiéreuses du PTB.

Reconquête

Pour reconquérir une partie de leurs électeurs séduits par le PTB, les socialistes n’ont pourtant pas le choix. Ils devront aller à la confrontation avec le PTB. Mettre en exergue leur sens des responsabilités pendant la crise du coronavirus, alors que le PTB chahutait au fond de la salle, ne suffira pas. Les stratèges du Boulevard de l’Empereur ont tout l’été pour réfléchir à la forme que prendra l’opération reconquête. Il y a urgence, car la machine PTB, elle, prépare déjà le prochain scrutin.

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