Claude Demelenne

Le PS liégeois survivra-t-il à l’affaire Moreau et à la montée du PTB?(carte blanche)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Le PS liégeois traînera longtemps le boulet Moreau-Nethys. Son nouveau président, Frédéric Daerden, peut sauver les meubles. Mais le PTB rêve de piller la vieille maison socialiste.

Le scandale Moreau-Nethys laissera des traces au sein du PS liégeois. Celui-ci vient d’élire son nouveau président, Frédéric Daerden. Le vote a eu lieu le week-end dernier, le dépouillement aura lieu jeudi. Pas de suspense, Daerden, par ailleurs ministre du Budget de la fédération Wallonie-Bruxelles, était seul candidat. Pour la plupart des socialistes liégeois, son profil est séduisant : chaleureux, rassembleur, consensuel, look gestionnaire, proche de la FGTB, jamais mouillé dans la plus petite « affaire ». N’en jetons plus, la coupe est pleine ! Et retombons les pieds sur terre… Car Daerden, le « président idéal », hérite d’un PS liégeois tout sauf fringuant. Forcément meurtri par l’affaire Moreau-Nethys , qui n ‘a peut-être pas encore révélé tous ses secrets.

Un phare du socialisme

Paradoxalement, c’est la fédération socialiste réputée la plus à gauche qui a connu la pire dérive affairo-capitaliste. Liège devait redevenir un phare du socialisme. Sous l’égide du jeune prodige Stéphane Moreau, la Cité ardente, plus rouge que jamais, allait « casser la baraque ». Remettre au goût du jour l’initiative industrielle publique chère à tous les barons locaux. Ceux-ci vantaient les mérites de « la plus grande intercommunale du monde ». Ils assuraient marcher dans les pas d’André Cools. Feu le Maître de Flémalle ambitionnait de jeter les bases, en région liégeoise, d’un capitalisme public capable de suppléer aux manquements du capitalisme privé et d’assurer la reconversion économique. Hélas, ses successeurs ont saccagé la belle idée de l’initiative industrielle publique.

Folie des grandeurs

Le nouveau président, Frédéric Daerden, sera confronté à l’horreur socialiste liégeoise. Cet incroyable tour de force qui a transformé une entreprise au potentiel important en véritable repoussoir pour l’opinion publique. Que retiendront beaucoup d’électeurs socialistes – actuels et potentiels – de cette initiative industrielle publique à la sauce Moreau ? Sa folie des grandeurs, son opacité, son obsession de la fiche de paie et des primes secrètes, ses écarts pharaoniques de rémunérations. Un fameux gâchis.

Des couleuvres indigestes

Tout – ou presque tout – est donc à reconstruire pour le PS liégeois. La tâche sera ardue. Les socialistes locaux ont du mal à digérer les couleuvres qu’ils ont dû avaler ces dernières années. La principale n’est autre que la désagréable certitude de s’être fait rouler dans la farine par Stéphane Moreau & Co, d’avoir été victime d’une gigantesque arnaque, tant il est vrai que la plupart des socialistes ont longtemps cru sincèrement que l’activisme pétaradant du « team Moreau » allait revitaminer l’économie liégeoise. Il ne sert à rien de s’autoflageller mais les socialistes qui n’étaient pas dans les combines Moreau (c’est-à-dire 99% des membres et militants) ont le blues. Ils ne l’avoueront pas spontanément mais ils ont un peu honte. Comment ont-ils pu croire aux boniments de Stéphane Moreau ?

Dans un premier temps, Frédéric Daerden devra s’improviser psychologue – il a déjà commencé pendant sa campagne électorale interne, même s’il était le seul candidat. Il devra rendre confiance aux camarades désabusés, jouer en équipe, faire preuve de transparence. Dans un second temps, Daerden devra trouver la parade pour contrer la percée du PTB. Le parti d’extrême gauche ratisse large à Liège comme partout ailleurs en Belgique francophone, mais avec plus de détermination et de démagogie encore dans la Cité ardente.

Les snipers du PTB

Le PTB drague les déçus du PS, les jeunes, les syndicalistes, les électeurs anti-système, et même les indépendants. A tout le monde, il promet de laver plus blanc que blanc. Il flirte souvent avec le discours du « tous pourris ». Confortablement installé au balcon, le PTB tire sur tout ce qui bouge. Surtout sur les socialistes « rénovateurs ». C’est sa stratégie : affirmer que « rien ne change », malgré les beaux discours des dirigeants du PS. Le PTB s’est ainsi trouvé une nouvelle cible : la présidente socialiste du conseil d’administration d’Enodia (ex-Publifin), Julie Fernandez Fernandez. Celle qui est aussi échevine de la Cohésion sociale à la Ville de Liège – et souvent citée comme successeur possible du bourgmestre Willy Demeyer, après le prochain scrutin communal – tente, non sans punch, de remettre de l’ordre dans l’ex-Maison Moreau. Elle est dans le viseur des snipers du PTB. Avec toujours la même volonté, jeter l’opprobre sur le PS, le grand rival de gauche. Et piller la vieille maison socialiste.

Le défi de Frédéric Daerden

Frédéric Daerden est conscient que s’il ne réussit pas à contrer les troupes de Raoul Hedebouw, sans doute son plus grand défi,la pagedu PS, parti dominant dans son bastion liégeois, risque de se tourner. Lors des élections de mai 2019, le PTB a cartonné dans la circonscription de Liège avec 101.860 voix (16,5%), pour 121.732 voix (19,7%) au MR et 154.232 voix (24,9%) au PS.En 2024, si le PTB poursuit sa progression électorale et prend 25.000 voix au PS (c’est son ambition), les deux partis seront au coude à coude. Ce serait une petite révolution. Et un invraisemblable camouflet pour Frédéric Daerden.

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