transport de gaz
© Getty

« Le plan de réduction de gaz de l’UE risque de toucher l’économie et les emplois »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Mardi, les pays de l’Union européenne se sont accordés sur un plan de réduction de leur consommation de gaz. Pour Francesco Contino, professeur à l’institut iMMC de l’UCLouvain, il s’agit d’un « mécanisme de solidarité » entre les états de l’Union européenne. Décryptage.

L’accord porte sur une réduction volontaire de 15% de la demande de gaz naturel cet hiver. Un mécanisme d’alerte est également prévu, par lequel la réduction de la demande pourra devenir obligatoire. L’accord contient par ailleurs plusieurs possibilités de dérogation.

Les Vingt-sept ont convenus d’une réduction, d’abord volontaire, d’au moins 15% de leur consommation de gaz entre le 1er août et le 31 mars prochain, par rapport à la moyenne de la même période durant les 5 années précédentes. Cette réduction pourrait devenir obligatoire si le Conseil (à la majorité qualifiée), sur proposition de la Commission, décide d’enclencher la phase d' »alerte ». Mais des exemptions sont prévues ainsi que des possibilités de demander une dérogation à l’objectif de réduction obligatoire.

Le plan de réduction de gaz de la Commission européenne va-t-il permettre de surmonter la chute des livraisons russes et de passer l’hiver sans catastrophe majeure ?

Francesco Contino : Diminuer notre demande de gaz telle que mise sur pied par l’UE, c’est surtout et avant tout pour moi un mécanisme de solidarité. C’est pour éviter que chacun se retranche chez soi et que l’on doive dans l’urgence faire des arbitrages qui ne seraient pas dans l’intérêt de l’Union. Après, ce rationnement est plutôt une bonne nouvelle pour l’environnement, c’est la direction à prendre. Par contre, comme on le fait un peu dans l’urgence, il est clair que ça ne pourra pas se faire de manière technique, que ce sera au détriment de quelque chose. On ne consomme pas du gaz pour le plaisir, on consomme du gaz pour des activités industrielles, le chauffage, et la production d’électricité. Les premiers à trinquer et c’est bien normal, c’est l’industrie. Et là indirectement, ce qui est touché aussi, c’est probablement les emplois, et l’économie.

Pendant de nombreuses années, on a versé une grande partie de notre consommation vers le gaz parce que c’est un vecteur énergétique de la transition. Au niveau européen, et même mondial, si l’on inclut les Etats-Unis, il y a eu un basculement du charbon vers le gaz pour la production d’électricité. Pour toute une série de processus industriels on a continué, voire augmenté, l’utilisation du gaz. Donc dire là maintenant, il va falloir diminuer, c’est un peu freiner cette transition.

Pourquoi la Belgique a-t-elle a demandé une exemption ?

La Belgique est une plaque tournante au niveau gaz, pour l’Europe. Nous sommes interconnectés avec tous les pays aux alentours. Nous avons un terminal gazier important à Zeebruges. Et forcément, nous avons tout intérêt à ne pas devoir changer trop notre profil au niveau gaz naturel.

Cependant, la Belgique ne se positionne pas en repli : elle a vraiment ce profil de fourniture à d’autres pays aux alentours, et je pense que dans l’exception c’est vraiment ce qui est pointé du doigt. Devoir réduire elle-même sa consommation contrecarre les contrats commerciaux de la Belgique avec les pays importateurs. Le gaz fait l’objet de schémas commerciaux à long terme. Ainsi, la Belgique se positionne de manière très active sur la fourniture à l’Allemagne, qui doit trouver des alternatives. De ce fait là, elle a une position compétitive qu’elle veut garder en termes de fourniture de gaz.

Cette mesure va-t-elle changer la donne pour la Russie ?

On fait souvent le parallèle avec d’autres vecteurs énergétiques, et en particulier le pétrole, et on a vu finalement que le pétrole circulait via d’autres voies, partait vers la Russie et revenait en Europe via d’autres voies.

On ne sait pas faire la même chose avec le gaz, le gaz se transporte moins facilement que le pétrole. Après, il se pourrait très bien que via investissements, via le développement de la liquéfaction la Russie s’en sorte quand même. Mon intuition, me dit que c’est qu’elle vise surtout, c’est de forcer l’Europe à continuer à consommer du gaz. Depuis longtemps, l’objectif de la Russie était d’avoir Nord Stream 2, le pipeline en plus qui connecte l’Allemagne à la Russie. Est-ce qu’ils sont en train de dire qu’ils sont d’accord de continuer à fournir l’Europe si elle ouvre NS2? Je l’ignore.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire