En 1984, l'Ecolo Olivier Deleuze en discussion avec Gérard Deprez face au siège du PSC/CVP. La fraîcheur passe... © BELGAIMAGE

« Le parti pas traditionnel », le bluff d’Ecolo

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En campagne plus que jamais, les partis accommodent la réalité à leur propre sauce. Le Vif/L’Express n’est pas tout à fait d’accord. Voici pourquoi.

Durant sept semaines, focus sur un parti francophone en lice pour le scrutin du 26 mai prochain. Cette semaine: Ecolo.

La différence contre l’indifférence et le changement contre la tradition. Opposant le vert de la pétulante jeunesse au gris des vieilles habitudes, la communication écologiste déploie cette rhétorique de la nouveauté avec obstination. Depuis très longtemps. C’est ce qui la rend trompeuse. Ecolo, fondé en 1980, est un parti relativement jeune : de toutes les formations francophones représentées au Parlement fédéral, seul le PP, constitué en 2009, peut se prévaloir d’une plus grande fraîcheur. Et ces Ecologistes confédérés pour l’organisation de luttes ouvertes – c’est le nom complet d’Ecolo – ne se rangent en effet pas parmi ceux que journalistes et politistes appellent  » les partis traditionnels « . Mais, d’une part, la gestuelle antitraditionnelle est en Belgique presque aussi vieille que la tradition elle-même. En 1885 déjà, le Parti ouvrier belge proclamait sa volonté de briser les traditions poussiéreuses de la Belgique d’arrière-arrière-grand-papa. Et, d’autre part, même si l’on y ajoute comme critère distinctif la proximité avec un pilier (un syndicat, une mutuelle, des associations, des journaux, voire un réseau d’enseignement), les partis non traditionnels sont déjà une ancienne tradition belge, qui remonte au moins aux premières expressions politiques du mouvement flamand dès la fin du xixe siècle.

A cette aune, la N-VA, DéFI, mais aussi le PTB et le PP sont aussi peu traditionnels qu’Ecolo. En outre, chez les  » traditionnels « , le CDH s’est très largement émancipé de son pilier chrétien, à moins que ce fût l’inverse, et il n’est pas sociologiquement sot d’affirmer que le relais privilégié de la gauche chrétienne est aujourd’hui écologiste. Ailleurs, la FGTB se déchire entre PS et PTB. Et, plus loin encore, personne ne contestera que mutuelles et syndicats libéraux ont plutôt peu pesé, ces dernières décennies, sur les orientations stratégiques du MR. C’est que, lorsque les plus vieilles traditions se perdent de partout, ne pas se dire traditionnel devient fort traditionnel. Aucun parti n’étant objectivement comme les autres, chacun pourra subjectivement se déclarer différent des autres.

Si la dépilarisation brise le traditionalisme, reste la vertu, celle d’un coeur (du changement) plus jeune donc plus pur. Mais n’est-on pas sérieux quand on a 40 ans ? Autrefois traversé par de pubères turbulences, Ecolo s’est progressivement doté de règles de fonctionnement plus adultes et moins horizontales. Avec le temps, les participations gouvernementales et les réformes statutaires aidant, la direction a été centralisée. L’appareil a été professionnalisé. Bref, Ecolo s’est traditionalisé. Aujourd’hui, en 2019, au sein du parti qui se dit le moins traditionnel de tous, il y a des gens qui sont parlementaires depuis 1999 et qui le seront encore pour au moins cinq ans. Il y a de jeunes candidats dont les papas ont été ou sont encore élus. Il y a des coprésidents qui pantouflent dans des entreprises à capitaux publics.

Bref, il y a des traditions qui se perdent, fussent-elles au coeur du changement.

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