Carte blanche

Le Pacte d’excellence et la réforme des statuts de l’enseignement sont inconciliables

La lecture du projet  » pacte d’excellence  » donne de l’espoir, le contenu semble prometteur. Le décloisonnement de l’école et des disciplines tant vanté dans le projet d’excellence a toujours constitué la base de ma démarche pédagogique.

Enseignante depuis plus de vingt ans en promotion sociale, j’ai eu la chance de profiter de l’autonomie nécessaire à toute bonne pratique pédagogique. La direction m’a toujours accordé sa confiance et j’ai pu, avec mes collègues, développer une réelle synergie avec le monde de l’entreprise. Année après année, j’ai élargi mon champ de compétence. Ma carrière ne m’a jamais semblé terne. Sans cesse, j’ai relevé de nouveaux défis, construit de nouveaux savoirs, mis en place de nouveaux partenariats.

Malheureusement, ce souffle de créativité, au centre même des objectifs du « pacte d’excellence », se trouve mis à mal, voire même ruiné par la réforme des titres et fonctions.

L’objectif de cette réforme des titres et fonctions est de « lier chaque cours à une (exceptionnellement à plusieurs fonctions), la réforme renforcera la qualification des professions ».

Comment peut-on concilier les objectifs du « pacte d’excellence » et de la réforme des titres et fonctions ?

Le pacte d’excellence prône le décloisonnement des disciplines. La réforme, par contre, organise le morcellement du savoir. Les enseignants doivent être les acteurs d’une pédagogie ouverte. Pourtant, le statut réduit leurs compétences à une vision de plus en plus parcellaire. La qualification, définie par ce nouveau statut, confine chacun dans une discipline de plus en plus restreinte. Cette vision étriquée conduit irrémédiablement à la perte de toute approche transversale. Il ne s’agit pas de qualification, mais bien de dispersion et même d’éparpillement du savoir.

Personnellement, mon expérience de plus de vingt ans se trouve réduite à néant. Je suis agrégée en philosophie. Jusqu’à présent, j’ai été chargée des cours de psychologie, de communication et de sciences sociales. Ma formation initiale, la philosophie, m’a permis d’aborder aisément ces matières, les sciences humaines sont en effet intimement liées à la réflexion philosophique. Je pense même pouvoir dire que l’approche philosophique constitue un réel atout pour ma pratique professionnelle. Il ne s’agit pas simplement de construire des savoirs, mais aussi de les contextualiser pour pouvoir les questionner. La connaissance est la première étape après il importe de s’en dégager pour être capable de la questionner. La philosophie offre une méthode d’analyse, un questionnement. Elle dépasse la seule sphère du savoir pour développer l’autonomie, favoriser la remise en question, encourager la tolérance et la faculté d’adaptation.

Le langage est double, les objectifs du pacte d’excellence sont inconciliables avec la réforme actuelle des statuts.

Pourtant, la réforme des statuts balaie d’un revers de main la richesse d’une telle démarche. Désormais, mon diplôme me donne accès à une seule fonction : l’enseignement de la philosophie. Cette réforme installe des barrières là où ma formation m’a appris à construire des ponts, elle sclérose ma pratique professionnelle. Avec cette réforme, la connaissance relève d’une compétence, son questionnement d’une autre. Entre les deux, tout lien a disparu, le savoir est fragmenté, chaque compétence demande une formation spécifique. Alors, encore une fois, je relis le pacte d’excellence et pointe quelques-uns de ces objectifs :

« – Il propose avant tout de remettre la pédagogie au centre du processus et non les systèmes et déployer l’autonomie et l’innovation pédagogique des acteurs.

– Il a une approche personnalisée et part de la vie des acteurs, des établissements, et de la réalité vécue dans les classes et non du système en général, bref du ‘ micro ‘ et non plus classiquement de la globalité, des structures, du ‘ macro’.

– Il veut aborder l’amélioration des bonnes pratiques et non pas uniquement les cadres décrétaux…

– Il développe les thèmes du décloisonnement de l’école et du décloisonnement des disciplines« .

Décidément, le langage est double, les objectifs du pacte d’excellence sont inconciliables avec la réforme actuelle des statuts. Cette réforme organise le cloisonnement des savoirs, elle ne tient pas compte de la réalité du métier. Elle résume la compétence à la possession d’un seul titre d’accès. Au nom du respect d’une pseudo-qualification, elle supprime toute autonomie, elle ne laisse aucune place à la polyvalence.

Valérie Pierre, enseignante

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