Pierre Havaux

Le N-VA Bourgeois monte le son

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Geert Bourgeois, chef de file N-VA au gouvernement flamand et co-fondateur du parti dirigé par Bart De Wever, donne de la voix : « la Flandre veut tout ». Un rappel urbi et orbi de ce que tous les adversaires francophones des nationalistes flamands savent déjà. Ou alors, c’est à désespérer.

Panique au village, le retour. Sphère politique et bulle médiatique en sont toutes retournées, en redécouvrant la lune. Gare : la N-VA a un plan. Il ne passe plus par la Belgique. Et le plus tôt sera le mieux pour l’imposer.

Mai 2014, et sa triple échéance électorale (scrutin fédéral, régional, européen) serait un merveilleux point de chute. Ce week-end, par voie de presse flamande, Geert Bourgeois, figure-clé de la N-VA, a administré la énième piqûre de rappel . « Tout doit revenir à la Flandre : la fiscalité, l’emploi, la sécurité sociale… Tout. » Et en prime la cogestion de la Région bruxelloise par les Flamands et les francophones.

« Tout » : l’indépendance, en somme. Ah ça, Geert Bourgeois ne le dit pas. Pas une fois lors de l’entretien, le mot qui consommerait la rupture ne sort de la bouche du numéro un de la N-VA au gouvernement flamand. Il ne faudrait tout de même pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit. Geert Bourgeois est à bonne école, celle de son « patron » et meilleur rival au sein du parti; Bart De Wever : confédéralisme, par exemple, n’est pas séparatisme. De grâce, ne mélangeons pas tout !

Mais alors, que veut la N-VA à la fin ? D’abord et avant tout : faire parler d’elle. Rester le nombril de la Belgique. Tout le temps. Au nord comme au sud du pays.

Il n’y a pas de raison de changer une formule qui gagne. Tous les adversaires politiques de la N-VA ont une énième fois mordu à l’hameçon, ont réagi au quart de tour. De la gauche à la droite en passant par le centre, et du nord au sud de la frontière linguistique, « il fallait en être » pour commenter la sortie de Bourgeois. Et faire passer le message en boucle : la N-VA tombe le masque, montre son vrai visage. Enfin !

La dernière opération de charme menée par Bart De Wever devant un parterre d’hommes d’affaires francophones devant le Cercle de Lorraine n’était donc qu’un leurre. La « vraie vérité » sort de la bouche de Geert Bourgeois, qui se verrait bien personnellement en prochain ministre-président flamand.

Posture modérée de l’un, ligne radicale de l’autre. On suppute, on ergote, on joue sur les mots pour décoder les deux fers, De Wever et Bourgeois, que la N-VA garde au feu.

Mais surtout, on tient à affirmer virilement que ce sera bel et bien la N-VA seule contre tous, lors de la mère de toutes les batailles électorales.

Cela tombe bien. Le parti de Bart De Wever ne demande que cela. Souffler le chaud et le froid sur la scène politique. Avec le ferme espoir de mettre un terme en 2014 au supplice chinois qu’elle inflige à la Belgique. Et de pouvoir mettre sa menace à exécution : il n’y aura pas ou plus de gouvernement fédéral avant que les francophones ne se plient aux volontés politiques d’une Flandre qui aurait définitivement cédée aux sirènes nationalistes.

Quand on a dit cela, on n’y est pas encore. Il reste à la N-VA à décrocher les moyens de provoquer son « big bang » institutionnel. Il faudra qu’elle aille les chercher de haute lutte dans les isoloirs, en mai 2014. « La N-VA doit être assez forte pour déterminer l’agenda », observe lucidement Geert Bourgeois. Lui, il y croit : les 40% de voix que certains sondages attribuent à son parti l’incitent à l’optimisme.

La N-VA se prend à rêver. Les nationalistes flamands, avec les rescapés du Vlaams Belang à leurs côtés, s’imaginent prochainement incontournables au Parlement flamand. Et pouvoir user de cette légitimité comme d’un levier qui ferait basculer le système belge. Le scénario est écrit. La pièce est encore loin d’être jouée.

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