André-Pierre Puget

« Le MR : tout et son contraire »

André-Pierre Puget Président de l'Union des Démocrates - Député de la Fédération Wallonie-Bruxelles

À trois mois et demi du triple scrutin de mai 2019, la campagne a bel et bien démarré. Et chaque parti de lancer dans l’arène ses nouvelles idées lumineuses, à qui mieux mieux, dans un vaudeville généralisé, presque ubuesque.

Populisme de gauche

À gauche, le PS renverse le calendrier et promet la Saint-Nicolas dès le 26 mai prochain. 420 euros supplémentaires pour tous les demandeurs d’emploi en formation, le plein emploi décrété à Bruxelles, la semaine de 4 jours sans diminution de salaire.

Les Écolos restent fidèles à eux-mêmes et continuent de tirer rituellement la sonnette d’alarme et d’en appeler invariablement à l’urgence.

Dans le verdissement généralisé du débat public de ces dernières semaines, on demande même de voter à la Chambre, en urgence évidemment, une loi climatique. Au risque, on le présume, de connaître l’apocalypse dans les jours à venir – et de ne pas connaître le dénouement du 26 mai prochain.

De son côté, le CDH, à nouveau fier de lui et conquérant depuis le pas de côté de Benoit Lutgen, ne ferme pas la porte à une coalition avec la NVA. Le PS non plus d’ailleurs, comme l’a rappelé implicitement Elio Di Rupo.

Tous se veulent plus écologistes que les écologistes. Le climat, l’environnement, l’énergie, c’est à la mode : autant surfer dessus.

Le PTB propose une « révolution climatique sociale » – Karl, si tu nous lis – tandis que le PS se met désormais à « écosocialisme ».

Égarements au MR

Le MR n’échappe pas à la règle et devient écolo à son tour.

S’il veut gouverner la Wallonie pour les cinq prochaines années, une tripartite semble indispensable. Probablement avec Écolo ou le PS. Ou les deux.

Pour les libéraux, une seule solution subsiste en cette période: cap à gauche toute !

Pour les libéraux, une seule solution subsiste en cette période: cap à gauche toute !

À Bruxelles, le succès des Écolos a envoyé les libéraux dans les cordes.

En réponse, le MR verdit son programme. Et il n’a pas à rougir de son nouvel axe idéologique : il s’adapte à la nouvelle sociologie (pour reprendre les mots d’Alain Courtois), il suit le sens du vent, de celui qui conduit vers les gouvernements et le pouvoir.

Entre libéralisme, écologisme, socialisme et conservatisme, le parti d’Olivier Chastel a cessé de faire des choix : il chasse sur tous les terrains.

Le parti bleu devient le nouveau parti arc-en-ciel.

Pas de cap en matière d’immigration

À la veille des élections, le Mouvement Réformateur ne sait plus qui il est ni quelle philosophie il doit embrasser.

Le positionnement du parti sur le thème de l’immigration, sujet tabou par excellence en Wallonie, illustre parfaitement la crise doctrinale qui le traverse.

Alors que le Pacte de Marrakech prévoyait, notamment, la facilitation du regroupement familial, la simplification des transferts d’argent vers les pays d’origine des migrants ou l’instauration d’une politique d’intégration tournée vers le communautarisme et le multiculturalisme, le MR avait validé et approuvé le texte.

Quelle surprise donc de voir, à peine deux mois plus tard, le ministre fédéral Denis Ducarme plaider dans la presse en faveur de la tolérance zéro vis-à-vis des illégaux, d’un durcissement des règles relatives au regroupement familial et à l’obtention de la nationalité belge.

Pas le moins du monde déstabilisé par ces contresens, il va même jusqu’à affirmer que le MR « ne doit pas avoir peur de ses convictions ».

Mais de quelles convictions en fait ?

Après avoir signé pour plus de regroupement familial, la famille libérale demande le lendemain d’en renforcer les conditions d’obtention.

Le nouveau parti arc-en-ciel a déjà son slogan pour les prochaines élections : « Le MR : tout et son contraire ».

La démocratie, la droite

Que retirer de ces constats ?

D’une part, et ce n’est certainement pas nouveau, que la campagne électorale est le temps de la séduction surjouée, des promesses irréalistes, des plans de communication stratégiques, du positionnement des partis pour engranger des voix.

Cette période est très certainement marquée par une forte démagogie employée par tous les partis.

Cela étant, que faire ?

Accepter avec fatalisme cette période ridicule de fausses promesses, de retournements de veste et de nouvelles propositions fantastiques, mais jamais mises en oeuvre auparavant – et on se demande bien pourquoi ?

Ou peut-on repenser la démocratie et son fonctionnement de sorte à empêcher ces comportements introduisant malhonnêteté et mensonge dans la sphère politique ?

D’autre part se pose la question de l’avenir du MR qui n’est toujours qu’une coalition de plusieurs mouvements différents.

Il est évident que celui-ci ne mettra jamais la barre à droite comme le souhaitent certains.

Dès lors, deux solutions se profilent.

Soit l’aile droite du MR continue de jouer aux attrape-voix – c’est-à-dire, aux attrape-nigauds – pour finalement nourrir un parti centriste, social-libéral, qui défend un tout autre projet politique.

Soit cette aile droite prend acte de ses oppositions avec la ligne générale du parti et fait application – une fois n’est pas coutume – du courage de ses opinions.

Dans cette dernière hypothèse, une scission du MR et la création d’un nouveau et véritable parti de droite en Belgique francophone est la seule piste envisageable.

Mais pour cela, il faut donner davantage de valeur à la force de ses opinions qu’au confort rassurant d’un parti déjà établi.

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