© ANHONY DEHEZ

Le leadership, ça s’apprend, d’après Marc Vossen (NGroup)

Le patron de NGroup voit dans la crise de la Covid une opportunité pour redéfinir le lien entre les êtres humains mais également le rapport qu’ils entretiennent avec leur environnement. Sa boussole: l’humain au centre et de la bienveillance tout autour.

Ce matin-là, le CEO de NGroup (Nostalgie, NRJ et Chérie Belgique) est déçu. Il a reçu un coup de fil d’un autre CEO: « Marc, tu es un superpatron, lui disait-il. Mais je trouve qu’avec ton livre (1), tu enfonces des portes ouvertes. Le leadership ne s’acquiert pas, on l’a ou on ne l’a pas. » Oui, Marc Vossen est déçu de constater que son message a encore bien du mal à passer auprès de certains managers – considérés pourtant par beaucoup comme « l’élite » – qui ne voient vraiment pas l’intérêt de renforcer leurs capacités de leadership pour faire grandir leur entreprise. « Ce genre de raisonnement binaire revient à condamner tous les enfants en leur envoyant le message qu’il est impossible de s’améliorer et de grandir, c’est fou tout de même! » s’exclame-t-il dans son ancien bureau reconverti en salon de brainstorming.

Son mantra: « Faites confiance à votre coeur et à votre intuition, d’une certaine manière, eux savent déjà ce que vous voulez être, le reste n’est que secondaire. » (Steve Jobs)

Marc Vossen sait de quoi il parle. A 34 ans, il lisait son premier livre de développement personnel avant d’entreprendre un long chemin pour progresser et transformer le patron « dictateur bienveillant » qu’il était en « leader inspiré et inspirant » qu’il est devenu. Les résultats parlent pour lui. Homme de radio de longue date, il prenait la tête de Radio Nostalgie en 2010 avant de diriger le groupe dans son ensemble. Aujourd’hui, NGroup détient 25,8% de parts de marché là où Radio Nostalgie revendique la première place du classement des radios francophones (de 1989 à 2003, la chaîne ne cessait de perdre de l’argent chaque année, seuls les actionnaires continuaient à y croire).

Le pari était loin d’être gagné: le marché « belge » est rikiki, la concurrence importante et comme tout le secteur des médias, la radio fait partie de ceux qui furent les premiers à encaisser les grands bouleversements technologiques liés à l’arrivée du Web. Un challenge donc, mais un succès pour NGroup qui opérait un changement de stratégie total en replaçant « l’humain au centre de tout et la bienveillance tout autour ». Question gouvernance, on parle ici depuis longtemps de « leadership participatif »: si l’entreprise doit toujours être rentable, elle ne peut jamais l’être au détriment ni de l’être humain ni de la Terre. Ce mode de gestion se révèle nettement plus rentable sur le long terme, mieux encore, selon Marc Vossen, il multiplie les bénéfices pour tous en ce compris l’entreprise.

Sa plus grosse claque: « Réaliser 20 ans après la mort de ma fille Sophie à quel point j’avais été un père lâche et démissionnaire en refusant de la voir durant les neuf jours de son existence. J’avais été un « salaud » de père.

Amorcer le changement par soi-même

Plus concrètement, avant de changer l’entreprise, le patron a décidé de commencer par changer lui-même en s’intéressant véritablement aux gens avec lesquels il travaillait. Au machinal « bonjour ça va? » lancé le matin dans les couloirs sans même attendre la réponse, il se plantait devant les personnes qu’il croisait en attente d’une vraie réponse. Et si le moral était mauvais, il enchaînait: « Que puis-je faire pour toi aujourd’hui? » Un premier pas mais qui lui permettra de réaliser ensuite qu’un bon patron n’est pas celui qui a toujours raison mais celui qui – accordant de l’importance aux autres – crée un climat favorable à la coopération et à la réciprocité. Si les objectifs restent fixés par le boss, la manière de les atteindre est de la responsabilité de chacun.

Le leadership, ça s'apprend, d'après Marc Vossen (NGroup)
© ANHONY DEHEZ

A ce premier pas se sont enchaînés des dizaines d’autres, dont une redéfinition en commun de la vision du groupe – « un monde positif et optimiste » – avant même de revoir complètement l’aménagement des bureaux, feng shui à l’appui, et de créer, dans la foulée, des salles de brainstorming, de gaming et de relaxation entre les studios.

Avec la crise sanitaire et son indispensable distanciation sociale, un nouveau challenge est survenu pour un groupe dont la stratégie repose sur la proximité, non seulement au sein de l’équipe mais également avec ses auditeurs. Marc Vossen en est persuadé, à ces questions, ils trouveront là aussi les réponses car les obstacles ne sont jamais que des opportunités pour mieux avancer. « Si la Covid est un drame, elle peut se révéler une chance extraordinaire de changer, souligne-t-il. Notre société ne pouvait plus continuer comme ça, néolibéralisme à tout-va, surconsommation, sans oublier un pillage effréné des ressources… Elle était destinée à crever! Or, aujourd’hui, nous avons cette opportunité incroyable de tout pouvoir recommencer, voire même de convaincre tous ceux que le premier confinement n’avait pas suffisamment ébranlés. »

Le changement ne sera sans doute pas immédiat, mais il adviendra. Au-delà de la nécessité d’y croire, il faudra de la lucidité, de la volonté et du courage. Les qualités intrinsèques de tout leader, selon Marc Vossen. Et puis, enfin et surtout, pour réussir – cette nouvelle transition, ou plus simplement sa propre vie – il faut être capable de visualiser les résultats que l’on souhaite atteindre. Des exemples, il en a à la pelle. Comme quand, jeune adulte, il se prédisait patron de radio publique à 35 ans – ce qu’il devint – ou quand il visait les 20% de parts de marché lors de son arrivée à Nostalgie alors que la radio n’ en comptait que 14% à l’époque. Pour réussir, insiste-t-il, il faut être capable d’avoir une vision claire de « qui on est vraiment » et de ses objectifs de vie.

Son plus gros risque: « Je décide de quitter l’univers de la radio pour un job de juriste afin d’assurer un avenir à ma famille… Et là, Radio Monaco me propose de la rejoindre. Au dernier moment, je choisis de tout plaquer avec ma femme pour suivre ma passion. »

Renouer avec son enfant intérieur

Si le chemin n’est pas facile, le patron l’assure, c’est souvent en cherchant dans les « madeleines » de son enfance que l’on trouve les germes de l’adulte qu’on est appelé à devenir. « Renouer avec son enfant intérieur, c’est le premier pas, explique-t-il. Le reste, c’est de comprendre que nous sommes chacun responsable de notre destin. Il y a évidemment des situations plus difficiles que d’autres, des circonstances plus compliquées, mais personne ne peut faire ce chemin à votre place. Il n’y a que vous qui portez votre destin dans vos mains. »

La chance? Marc Vossen y croit et n’y croit pas. Au « j’ai de la chance », il préfère rapprocher les syllabes pour un « j’aide la chance », à savoir la créer plutôt que de l’attendre. Et là aussi, c’est une attitude qui passe nécessairement par les autres: « Il faut apprendre à donner avant de recevoir, apprendre à porter de l’attention aux autres et à ce qui nous entoure et enfin, oser être soi. » La chance, c’est donc les autres, un principe emprunté à Jean-François Zobrist (ex-grand patron français reconverti dans l’entreprise libérée) qui postule que 97% des gens sont prêts à aider les autres. « Cela signifie qu’il y a tout de même plus de sept milliards de personnes au monde qui sont prêtes à vous aider, c’est énorme! »

Les échecs, Marc Vossen confie ne pas en avoir véritablement connus. Pas parce qu’il a eu de la chance, mais parce que qu’il refuse d’abandonner après une seule tentative. « Ce n’est qu’à la troisième qu’il faut se poser les questions de ce qui coince et revoir ensuite ce qui doit l’être », précise-t-il. Et de son expérience, il ressort que, le plus souvent, les limites ne sont pas imposées par les autres mais avant tout par soi-même.

Assis en tailleur sur un pouf dans la salle de brainstorming baptisée Elvis Room, l’intéressé évoquerait presque un bouddha mais il ne faut pas s’y méprendre, le Marc d’avant était nettement moins zen. Il lui arrivait même de claquer les portes ou de frapper sur les murs quand il n’obtenait pas les résultats qu’il s’était fixés. Au-delà de ses lectures et d’un gros travail sur lui-même, ce sont des rencontres et des déclics qui l’ont amené à se délester de son ego et à plus avoir confiance dans la vie.

Ses 5 dates clés

  • 1978 « Fan de radio depuis toujours, je m’incruste à Radio Louvain-la-Neuve où j’offre de simplement passer l’aspirateur. »
  • 1980 « J’entre comme animateur à Radio Contact, l’une des premières radios libres. »
  • 1983 « Je m’installe dans ma vie de famille et songe à valoriser mon diplôme de droit en prenant un travail sérieux dans un ministère… Radio Monaco me propose un job, on plaque tout avec ma femme, désormais ma vie sera la radio. »
  • 1991 « Je deviens directeur de Radio Capitale (Vivacité), j’intègre le service public, un rêve qui me légitime. »
  • 2010 « Radio Nostalgie et NRJ sont intégrées dans le même groupe. Un an plus tard, je deviens CEO des deux radios. »

Exorciser sa culpabilité

Le déclic? Ce futlorsque Marc Vossen prit conscience d’avoir été un mari et un père complètement démissionnaire durant les quelques jours d’existence de sa seconde fille, Sophie, née avec une insuffisance cardiaque et qu’il a refusé de voir jusqu’au moment de sa mort, à 9 jours. Une prise de conscience vingt ans plus tard et qui lui a inspiré la création d’une comédie musicale en 2010 – Mala – pour exorciser sa culpabilité.

Un an plus tard, un second déclic mais professionnel cette fois. L’heure est à l’intégration de NRJ et de Nostalgie au sein du même groupe. Le patron de NRJ, Bruno Van Sieleghem, fait un pas de côté pour laisser à Marc Vossen la direction de l’entièreté du groupe: « J’ai été très impressionné qu’un patron soit capable de se retirer pour permettre aux autres de mieux avancer. » Un geste et une attitude noble qui conditionneront ceux que Marc Vossen développera ensuite pour devenir à son tour un vrai leader. « Contrairement à ce que l’on pense, ce ne sont pas vos aptitudes qui conditionnent vos attitudes mais vos attitudes qui créent véritablement vos aptitudes à bien faire les choses. A l’arrivée, ce sont vos attitudes et vos aptitudes qui détermineront votre altitude », conclut-il.

Tout cela, il le raconte dans son livre, mais aussi dans des ateliers de développement personnel qu’il anime pour ceux qui souhaiteraient devenir un leader inspiré et inspirant. Parce que Marc Vossen en est certain, c’est en changeant soi-même qu’on inspire les autres et qu’on finit par changer le monde.

(1) Balancez vos ondes positives, par Marc Vossen, avec Valérie Malisse, L’attitude des Héros, collection Vision d’entreprise, 2020, 224 p.

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