Wouter Beke © Dieter Telemans

Le jour où… Wouter Beke a osé

Arnaud Ruyssen
Arnaud Ruyssen Journaliste à la RTBF

C’est l’histoire d’un jour dont on ne percevra pas directement la place qu’il mérite dans l’histoire. Un de ces jours dont la Belgique, terre de plomberie institutionnelle, a le secret.

En ce 21 juillet 2011, cela fait près de 400 jours que le pays est sans gouvernement. Le roi Albert II a usé pratiquement tout son dictionnaire de rimes en -eur pour missionner des préformateurs, démineurs, clarificateurs, négociateurs… Mais rien n’y fait. Entre les deux grands vainqueurs des élections, N-VA et PS, il y a un fossé immense. Plus d’un an après le scrutin, il semble impossible que les deux formations puissent, un jour, parapher un même accord.

C’est pour ça que, le 4 juillet, Elio Di Rupo, chef de file PS et remis en selle comme formateur, a abattu sa dernière carte : une note d’une centaine de pages avec le secret espoir de rassembler quasiment tous les partis démocratiques du pays… sauf la N-VA. Rapidement, les libéraux, les socialistes et les verts du nord et du sud ont accepté d’entrer en négociation sur cette base. Le CDH a fait de même. Mais pas le CD&V. Les chrétiens-démocrates flamands attendaient de savoir comment allait se positionner Bart De Wever, son ex-partenaire de cartel.

Le 7 juillet, la réponse des nationalistes tombe. Ils carbonisent la note pour son chapitre institutionnel et, plus encore, pour son volet socio-économique. Le CD&V de Wouter Beke n’est pas loin de faire de même, dans la foulée. Il estime que la note ne peut, comme telle, servir de base de négociation et doit être réécrite.

Est-ce un « oui-mais » ? Un non-sauf-si ? « La réponse du CD&V était plus CD&V que jamais », commente Jean-Michel Javaux, alors coprésident d’Ecolo. « Il fallait impérativement rassurer Wouter Beke, qui était vraiment fébrile, écrasé par sa responsabilité », précise Joëlle Milquet, qui dirigeait le CDH. Les uns et les autres vont tenter de l’amadouer.

Le formateur Di Rupo sait ce qui pourrait faire pencher la balance. Il encommissionne les points sensibles de la note et promet au président du CD&V que l’on va commencer la négociation par le fameux arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. « En coulisses, on a fait savoir à Wouter qu’on était vraiment prêt à un accord », raconte encore Joëlle Milquet. Le jeune président est séduit mais pas encore convaincu.

Tout va donc se jouer au soir de la Fête nationale. Après avoir hésité longtemps, Wouter Beke a décidé de rejoindre les sept autres présidents de parti au cabinet Onkelinx. Les discussions commencent à 18 heures et vont s’éterniser. « J’avais le choix, confesse l’intéressé : soit je plongeais dans la négociation sans gilet de sauvetage, soit je refusais et on retournait aux élections, dans un contexte très délicat. » Plusieurs fois sur la soirée, Beke aura d’ailleurs des contacts avec le Premier ministre en affaires courantes Yves Leterme, CD&V lui aussi, qui participe à un conseil européen sur la Grèce. « Il me disait : « Wouter, la situation est grave, ici. La crise des dettes souveraines est loin d’être finie. » » Ces messages alarmants et les promesses du formateur vont finir par convaincre Beke d’oser. Oser entrer en négociation sans la N-VA.

Au milieu de la nuit, une fois les lumières du feu d’artifice éteintes, Elio Di Rupo peut annoncer au roi cette volonté de huit partis d’enfin commencer à négocier autour d’une même table. Ce n’est que l’entame d’un chemin encore semé d’embuches. Mais, à l’autopsie, ce 21 juillet est un tournant. Le début de la fin de la plus longue crise politique belge.

Tous les samedis de l’été, à 12 heures, sur La Première, dans l’émission Autopsie, Arnaud Ruyssen raconte les coulisses d’un événement de l’histoire récente. Ce samedi 23, la plus longue crise politique belge.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire