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Le jackpot des plaques d’immatriculation

Le Vif

Depuis 2010, les plaques et certificats d’immatriculation ont été externalisés et confiés à BPost. Un beau cadeau selon la Cour des comptes, car selon cette dernière, l’État a perdu des millions et les citoyens payent trop cher

Depuis 2010, soit au moment de l’introduction de la plaque européenne, les plaques et certificats d’immatriculation, une mission pourtant historique de la Direction pour l’Immatriculation des Véhicules (DIV), est externalisé au bénéfice de BPost et sa filiale Speos. Un renouvellement de la concession sera encore octroyé pour six ans en 2019, pour 240 millions d’euros.

La semaine dernière, la Cour des comptes, l’organe de surveillance financière du gouvernement, a remis un audit très détaillé et accablant sur cette concession. En effet, celle-ci a conféré à BPost « un avantage concurrentiel disproportionné », dénonce la Cour des comptes dans un rapport. « Cette situation peut s’expliquer par le fait que le cahier des charges et sa mise en œuvre sont de nature à limiter l’accès au marché à ses concurrents. Plusieurs dispositions du cahier sont susceptibles de créer conjointement un déséquilibre concurrentiel à son profit », critique la Cour des comptes. Or si cette société appartient à 51% au gouvernement, elle est cotée en bourse et gérée de manière indépendante.

Les plaques d’immatriculation personnalisées ont la cote

En 2021, 511.418 véhicules à moteur neufs et 930.730 véhicules d’occasion ont été immatriculés en Belgique. Parmi ces véhicules, 392.769 étaient des voitures particulières neuves et 714.868 des voitures particulières d’occasion. Plus anecdotiques, pas moins de 11.021 personnes ont réservé une plaque d’immatriculation personnalisée en 2021, selon le SPF Mobilité. Ils n’étaient que 7.976 en 2020. Cette petite « folie » à 1000 euros semble donc séduire à nouveau les Belges.

Atteinte aux intérêts de l’Etat

Toujours pour les auditeurs, certains points de la procédure et du cahier des charges ne respectent pas la réglementation relative aux contrats de concession, voire portent atteinte aux intérêts de l’État. Ainsi, la révision de prix est sujette à des réserves vu la prise en compte imprécise des matières premières composant les plaques d’immatriculation et la marge d’appréciation laissée au concessionnaire. En outre, aucun suivi des indices d’évolution des matières premières n’avait été réalisé sous la première concession.

Le contrat laisserait donc à Bpost une trop grande liberté pour réviser les prix lorsque les prix des matières premières nécessaires à la fabrication des plaques d’immatriculation changent. Par exemple, précise De Morgen, lors d’une révision injustifiée des prix en faveur de Bpost en 2012, le gouvernement a perdu 10 millions d’euros. Une révision douteuse des prix a également eu lieu en 2018. Une évaluation a toutefois eu lieu en 2021 et la DIV s’engage à poursuivre cet examen annuellement, selon la Cour.

Des amendes aux rabais

Les contrôleurs soulignent aussi la disparition, dans la deuxième concession, d’objectifs ciblés et de pénalités, au profit de simples indicateurs de suivi. Concrètement, l’État s’est mis dans une « situation de dépendance vis-à-vis d’un opérateur qui n’a pas d’intérêt économique à s’imposer des pénalités dissuasives ».

Ainsi, toujours selon De Morgen, un rare audit de la sécurité des sites où sont fabriquées les plaques d’immatriculation a révélé des violations. « Mais la pénalité imposée par le contrat pour cela, un minimum de 2,5 millions d’euros, n’a pas été perçue ». Ou encore en ce qui concerne les retards de livraison qui ont été importants. Au lieu des 2,3 millions d’amendes prévu par le contrat, Bpost n’en payera que 260.000 euros.

Une externalisation remise en question

Plus globalement, c’est la décision même d’externalisation que la Cour remet en question. La DIV ne disposant plus des explications justifiant les estimations retenues à l’époque et n’ayant pas actualisé les différents scénarios, « il est aujourd’hui impossible de démontrer que l’externalisation est plus économe et efficiente que la gestion propre. » Ce qui est pourtant une exigence légale pour une telle redevance.

La DIV a cependant estimé qu’en 2021, ses recettes étaient désormais proportionnées aux coûts exposés, mais les éléments fournis ne permettent pas à la Cour des comptes de le vérifier, selon cette dernière.

Concrètement, en raison de l’externalisation, le citoyen paie désormais une taxe de 30 euros pour une plaque d’immatriculation. Sur ces 30 euros, Bpost retourne environ 9 euros à l’État. Ce qui lui permet tout de même de faire des bénéfices puisque, en 2020, les recettes ont été deux fois plus élevées que les coûts. Et outre, entre 2012 et 2018, le bénéfice pour l’État était d’au moins 44 millions d’euros. A cela on peut aussi ajouter que l’externalisation a permis d’économiser 3,8 millions d’euros et supprimer 13 temps pleins par an.

Pour remédier à ces faiblesses qui peuvent potentiellement faire perdre des millions à l’État, la Cour des comptes a formulé une série de recommandations.

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