Yves Desmet

Le Grand Silence communal

Finalement, un accord a donc été conclu sur la liquidation du holding communal. Après une partie de poker menteur entre les Régions et l’Etat fédéral, la montagne de dettes de 1,64 milliard d’euros a été soigneusement répartie entre les différents niveaux de pouvoir.

Après qu’un multiple de milliards avait déjà été réservé pour le sauvetage de Dexia, dont chaque Belge se porte, bon gré mal gré, garant à raison de 5 000 euros.

Dexia a ployé sous le poids de ses positions débitrices à très hauts risques, où, trop souvent, des crédits à long terme ont dû être financés avec des emprunts à court terme. Au lieu de tirer la sonnette d’alarme et d’écarter les menaces, les administrateurs publics de la banque et du holding communal ont choisi une autre voie. Le holding communal a emprunté de l’argent chez Dexia pour acheter des actions Dexia. Si un oiseau rare, tel Karel De Gucht, votait contre en faisant remarquer que les investissements étaient trop périlleux, il s’entendrait dire qu’ « il n’était pas banquier » et qu’il n’avait donc rien d’autre à faire que de se taire. Souvent, moins de la moitié des administrateurs se présentaient aux assemblées générales, qui ne duraient pas plus d’une heure. Puis le champagne coulait et tous rentraient chez eux, rassurés que les dividendes continueraient à tomber. Pendant des années, on s’est laissé bercer par ces flux financiers ininterrompus. On ne s’est jamais demandé comment on pouvait garantir des rendements de 13 % et plus, sans recourir à des produits toxiques ou miser, avec de l’argent emprunté, sur des plus-values virtuelles. En plus, pas mal de politiques ne considéraient pas leur mandat dans ces institutions comme une charge à responsabilités leur conférant le pouvoir et le devoir de contrôle. Au contraire, pour eux, c’était un joli avantage extralégal, de tout repos. Ces fromages leur étaient plus souvent accordés à l’occasion d’arbitrages dans et entre les partis que sur la base de leurs compétences en matière financière.

Quand ces gens se voyaient présenter un slideshow par un CEO-banquier dissertant avec une belle aisance, peu d’entre eux ont osé lever le doigt.

Il n’y aura pas d’enquête parlementaire à propos de Dexia. Le holding communal sera liquidé. Et la faillite a été évitée : les administrateurs peuvent dormir tranquilles, ils sont à l’abri d’éventuelles poursuites. Le Grand Silence communal couvre déjà les dégâts. Une fois de plus, c’est le contribuable qui trinquera.

Yves Desmet, éditorialiste au Morgen

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