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Le fonctionnement de la cour d’appel d’Anvers a été revu après l’affaire Van Espen

La cour d’appel d’Anvers a adapté son fonctionnement interne, malgré le manque de personnel, après le meurtre de l’étudiante Julie Van Espen, a-t-elle indiqué vendredi dans une réaction au rapport du Conseil supérieur de la Justice (CSJ). Celui-ci a constaté plusieurs dysfonctionnements dans la gestion du dossier de Steve Bakelmans, le meurtrier présumé de la jeune femme.

La cour étudiera attentivement ce volumineux rapport mais l’achèvement complet et rapide des affaires a toujours été sa principale préoccupation, insiste-t-elle. « Comme le législateur, qui a révisé la loi pour permettre l’arrestation immédiate en cas de risque de récidive, nous n’avons pas attendu les conclusions du CSJ pour revoir notre mode de fonctionnement après les événements de ce printemps », poursuit la cour d’appel d’Anvers.

Depuis le 1er septembre dernier, une nouvelle chambre a été instaurée pour les affaires de moeurs. L’organisation interne a en outre été adaptée pour diminuer le nombre de juges nécessaires au civil afin de renforcer les chambres correctionnelles.

Des efforts ont également été déployés pour pourvoir les quelques postes vacants par des juges spécialisés en droit pénal. Dans l’intervalle, certains juges civils sont encouragés en interne à suivre une formation spécialisée en droit pénal.

Le parquet général anversois indique de son côté que les processus internes de travail ont été affinées. Depuis l’assassinat de Julie Van Espen, des efforts supplémentaires ont été faits pour optimiser le temps de traitement des affaires pénales, toujours plus nombreuses, à la cour d’appel supérieure et, ce, en concertation permanente avec le premier président de la cour d’appel, selon le ministère public. « Des mesures supplémentaires seront prises », a-t-il ajouté.

« Plusieurs dysfonctionnements, tant en première instance qu’en appel », selon le CSJ

Le Conseil supérieur de la Justice (CSJ) a constaté divers dysfonctionnements dans la gestion du dossier de Steve Bakelmans, tant en première instance que devant la cour d’appel, a-t-il indiqué vendredi lors d’une conférence de presse. Et ce pour des éléments ou faits antérieurs à la mort de l’étudiante anversoise Julie Van Espen. Le juge du tribunal correctionnel ne disposait ainsi pas d’informations suffisantes pour procéder à une évaluation approfondie des risques et le dossier n’a pas été considéré comme prioritaire par la cour d’appel alors qu’il aurait dû l’être. « S’il y a une chose que nous devons retenir de ce drame, c’est que les dossiers de violences sexuelles doivent devenir une priorité absolue », a déclaré Christian Denoyelle, président du collège néerlandophone du CSJ.

Steve Bakelmans avait été arrêté le 6 novembre 2016 après une plainte pour viol de son ancienne compagne. Le 27 janvier 2017, la chambre du conseil l’avait ensuite renvoyé devant le tribunal correctionnel et l’avait libéré sous conditions.

« Mais à ce moment, le dossier ne disposait pas d’éléments suffisants pour permettre à la chambre d’évaluer correctement les risques », précise Christian Denoyelle. « Les auditions de Steve Bakelmans et de la victime étaient très limitées. Il n’y avait pas non plus d’informations sur les dossiers plus anciens. Par exemple, une autre ex-partenaire de Steve Bakelmans avait elle aussi déposé une plainte contre lui, plainte qui avait été classée sans suite. Ce n’est malheureusement pas la première fois que nous constatons que l’analyse des risques n’est pas correctement réalisée en cas de violences sexuelles. »

Les conditions auxquelles Steve Bakelmans était soumis ne valaient que pour trois mois, et avaient donc pris fin avant qu’il ne comparaisse devant le tribunal correctionnel. « Il serait peut-être préférable que de telles conditions soient d’application jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue, pour une affaire pénale », fait remarquer Christian Denoyelle.

Le tribunal correctionnel l’avait condamné à quatre ans de prison le 30 juin 2017 mais n’avait pas ordonné d’arrestation immédiate. Dans le dossier, il n’y avait par exemple pas de fiche d’écrou, dans laquelle le tribunal aurait pu lire que Steve Bakelmans n’avait pas respecté plusieurs obligations liées à sa peine lors d’une précédente condamnation. L’évaluation des risques n’a donc pas pu être réalisée complètement, estime le CSJ.

C’est toutefois devant la cour d’appel que les problèmes les plus importants se sont posés. Le parquet général n’a ainsi pas considéré le dossier comme prioritaire alors que cela aurait dû être le cas selon ses propres critères. Le dossier avait aussi été reporté en mai 2018 en raison d’une pénurie de magistrats. La chambre qui devait traiter le dossier avait même été fermée dans la foulée. « Selon nous, il n’y avait pas de raisons suffisantes pour décider ce report. Il aurait au moins dû y avoir consultation du procureur général ou du premier président de la cour d’appel », objecte Christian Denoyelle.

« Une telle décision peut être exécutée de force si c’est vraiment la seule solution possible, mais alors les dossiers de cette chambre doivent être répartis entre les autres chambres de la cour d’appel », selon le CSJ. « Ce n’est pas ce qui s’est produit ici. Les 77 dossiers que la chambre devait traiter ont été presque littéralement mis au placard, sans être vérifiés pour voir s’il y avait des dossiers prioritaires », a fustigé Christian Denoyelle. « La même chambre a finalement été rouverte en mai 2019 et Steve Bakelmans y a été cité à comparaître. Mais, avant que son dossier ne puisse être traité, Julie Van Espen a été tuée. »

Cette dernière, une étudiante de Schilde, avait disparu le 4 mai dernier. Elle était partie à vélo de chez elle en direction d’Anvers, où elle avait rendez-vous avec des amis. Elle n’y était toutefois jamais arrivée. Deux jours plus tard, son corps avait été découvert dans le canal Albert à Merksem. Le même jour, Steve Bakelmans avait été arrêté. L’homme avait alors reconnu avoir tué la jeune femme de 23 ans après qu’elle eut vigoureusement résisté à une tentative de viol.

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